Rosa Montero : La bonne chance
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La bonne chance par Rosa Montero.
Métailié (2021) 276 pages.
Traduit de l’espagnol par Myriam Chirousse.
Titre original : La buena suerte.
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Un homme parti en train de Madrid vers Málaga descend en gare de Cordoue, repart pour la station précédente de Pozzonegro, en autocar cette fois, car il veut y arriver vite et ne peut se permettre d’attendre le train du lendemain. Arrivé dans le village, il appelle aussitôt le numéro indiqué sur le panneau de vente d’un appartement situé près de la voie ferrée pour l’acheter comptant. Or Pozzonegro, un ancien centre minier à l’agonie, en dehors du supermarché de la chaîne Goliat à l’entrée du village et la station-service qui se trouve à côté est « déprimant, sombre, indéfini, sale, en demande urgente d’une couche de peinture et d’espoir ».
Qu’est-ce qui peut pousser cet homme qui pourrait être séduisant mais dont on dirait qu’il n’est pas parvenu à un accord avec la vie, un accord avec lui-même, à descendre du train à l’improviste et à se cacher dans ce patelin qui pourrait être le plus laid du pays ? Que ou qui fuit-il ?
Nous apprendrons que cet homme se prénomme Pablo Hernando, est un architecte renommé, et qui, s’il pouvait, formaterait sa mémoire et recommencerait à zéro.
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Il pense pouvoir se couper du monde et se terrer dans cette petite localité au passé minier, cet appartement devenu sa tanière. Mais ses quatre associés inquiets préviennent la police ; celle-ci le localisera bien vite étant donné qu’elle le surveille depuis l’évasion de prison d’un certain Marcos Soto, l’inspecteur en chef demandant d’ailleurs à son second, « s’il ne trouve pas cela bizarre que ce dénommé Pablo Hernando soit parti vivre tout à coup, à… à… dans ce patelin de merde, en laissant tout, peu après que Marcos s’est enfui ».
Mais qui est donc ce Marcos, quel lien a-t-il avec Pablo, quels secrets porte-t-il ?
Obligé de sortir pour faire quelques provisions, Pablo va alors croiser sa voisine d’immeuble, Raluca, une jeune femme énergique, généreuse, un peu cabossée par la vie mais tellement solaire.
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C’est elle qui va le prendre sous son aile et le ramener peu à peu à la vie, bien que ce ne soit pas gagné d’avance.
Cet homme dont le chagrin est immense n’hésite pas à s’inventer des vies pour donner le change, pour fuir ses responsabilités. Peur, culpabilité et honte lui deviennent insupportables. Mais Raluca par sa simplicité, sa spontanéité réussit à lever les doutes et les hésitations qui l’obsèdent.
J’ai particulièrement apprécié comment, à chaque fois que Pablo est saisi par la panique, il réussit, en se souvenant de notions de survie, de conseils pittoresques qui peuvent sauver des catastrophes, à affronter le danger.
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J’ai trouvé également très intéressante la description des différents styles d’architecture que Pablo réalise et d’apprendre que Rosa Montero (photo ci-dessus) a emprunté ces éléments à différents architectes qu’elle cite en fin d’ouvrage.
Un peu d’humour se mêle à la gravité du propos lorsque Pablo qui se désespère de ne pouvoir aimer, se sentant incapable de reconnaître l’alphabet amoureux, persuadé qu’il faut apprendre à aimer dans l’enfance comme on apprend à marcher ou à parler. « En résumé : Pablo ne sait pas le tagalog. Et il ne se croit pas capable de pouvoir l’apprendre ». Le tagalog étant une variété linguistique du rameau des langues philippines dans laquelle se trouve « une débauche de g » !
Un des signes de sa transformation et de son retour à la vie est manifeste lorsqu’il découvre au milieu de vieux livres anciens un manuel de tagalog (photo ci-dessous) pour débutants et qu’il se décide à en apprendre un peu à ses heures perdues !
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L’auteure sait magnifiquement restituer l’ambiance sombre de cette ville, aujourd’hui désertée et agonisante, les infrastructures abandonnées, où tentent de s’accrocher encore, et de survivre, quelques familles, dans des maisons miteuses ou des blocs d’appartements de quatre ou cinq étages misérables, avec en toile de fond, ces trains qui grondent la nuit, véritables ouragans métalliques. C’est également le monde du travail et les grands magasins sans oublier cette chaleur écrasante que l’auteure peint avec brio.
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C’est au cœur de ce décor que des sentiments aussi divers que contradictoires vont se révéler. La gentillesse côtoie la méchanceté, comme la bonté, la méchanceté, ou encore l’amour, la haine ; un roman qui parle du Bien et du Mal, qui montre qu’un homme à terre peut retrouver le goût de vivre un roman où l’amour et l’espoir sortent vainqueurs !
La bonne chance, de Rosa Montero est à la fois une sorte de fable, un thriller psychologique avec un suspense maintenu jusqu’au bout, un roman social, un splendide roman d’amour et surtout une ode à la vie. Elle nous rappelle que la vie peut être belle, pas complètement belle, certes, mais c’est la Vie, et avant tout un cadeau !
La bonne chance était le premier roman que je lisais de Rosa Montero. J’ai été conquise et subjuguée par l’écriture de cette auteure. Une belle découverte, et ce, grâce à ma médiathèque attitrée qui a proposé cet ouvrage pour le Prix des lecteurs des 2 Rives 2022 qu’elle organise chaque année.
Ghislaine
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La bonne chance par Rosa Montero.
Métailié (2021) 276 pages.
Traduit de l’espagnol par Myriam Chirousse.
Titre original : La buena suerte.
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Avec La bonne chance, Rosa Montero (photo ci-contre) m’a entraîné dans une histoire extraordinairement émouvante et surtout captivante.
Cette autrice espagnole dont le livre a été retenu pour le Prix des Lecteurs des 2 Rives 2022, excelle dans l’art d’intriguer, de garder le mystère jusqu’au bout, attisant ainsi de plus en plus mon impatience.
Pourtant, bien que désireux de savoir, de décrypter ces informations distillées tout au long du roman, je prenais bien le temps d’apprécier, de vibrer, de trembler en lisant La bonne chance.
Tout commence donc dans le train AVE Madrid-Málaga, un TGV qui s’arrête dans toutes les gares… Un homme, près de la fenêtre, est devant son ordinateur mais ne semble pas très concentré. À Cordoue, il descend et fait tout pour revenir à la gare précédente : Pozzonegro où il avait aperçu un panneau « à vendre » accroché au balcon d’un appartement, en face de la gare.
Pozzonegro, « le patelin le plus laid du monde », comme le dit Rosa Montero, rassurez-vous, n’existe pas, c’est précisé en notes de fin d’ouvrage. Ici, c’est une ville minière qui fut prospère mais, depuis la fermeture de la mine, c’est la décrépitude.
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Notre homme, Pablo Hernando, achète cash l’appartement à un certain Benito Guttiérez, drôle de bonhomme qui brille ensuite par sa bêtise et sa cupidité. L’appartement est miteux, sale, mal fichu et, quand un train passe, tout tremble et c’est assourdissant. Qu’importe, cet homme attendu à Málaga pour un cycle de conférences, fondateur d’un atelier d’architectes à la renommée internationale, s’y installe.
Débute alors une ronde infernale qui réserve, heureusement quelques respirations salutaires avec Raluca, voisine de Pablo, qui tente de s’occuper de lui. Elle est caissière au supermarché local, le Goliat, et réussit même à le faire embaucher.
Dans cette ronde, j’entends parler de police, d’un certain Marcos dont le nom terrorise Pablo qui va avoir cinquante-cinq ans. Felipe, autre voisin, est sous oxygène. Il fait partie des relations que noue Pablo qui entend, chaque soir, à l’étage au-dessus, des coups, des cris, des pleurs. Quand il tente de savoir ce qui se passe, c’est le silence.
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Au Goliat, Raluca s’inquiète parce qu’une superviseuse semble vouloir réorganiser le magasin où Pablo met en rayons jusqu’à une heure tardive.
Dans ce bourg sinistre, en pleine chaleur torride de l’été, peu à peu, Pablo est rattrapé par son passé, par tout ce qu’il tentait d’oublier. Enfant battu par un père alcoolique, il a réussi sa vie d’adulte mais Clara, sa femme, est morte, et leur fils, mystère…
Quant à Raluca, elle a été abandonnée à la naissance puis a été internée en soins psychiatriques avant de mener une vie quasi normale jusqu’à ce qu’elle rencontre Pablo. Femme courageuse et belle, elle ne laisse pas cet homme insensible mais pourquoi a-t-elle de la peine à garder un œil ouvert ?
Au passage, Rosa Montero (photo ci-contre) complète son roman de terribles faits divers démontrant la folie humaine que ce soit des sévices intrafamiliaux ou un massacre aveugle, aux États-Unis par exemple.
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J’ai dû aller tout au bout de ce roman social qui flirte avec le thriller pour savoir enfin qui bénéficie de La bonne chance. Rosa Montero, bien traduite par Myriam Chirousse (photo ci-contre), raconte bien, donne régulièrement la parole à ses personnages, même à l’horrible Benito et j’avoue qu’elle m’a fait vibrer jusqu’au bout.
La bonne chance, finalement, c’est moi qui en ai bénéficié en lisant cet excellent roman !
Jean-Paul