Gerd Brantenberg : Les Filles d'Égalie

Les Filles d’Égalie      par    Gerd Brantenberg.

Traduit du norvégien par Jean-Baptiste Coursaud.

Postface de l’autrice.

Titre original : Egalias døtre.

Zulma (2022) 375 pages.

 

Les Filles d’Égalie, un roman norvégien de Gerd Brantenberg (photo ci-dessous), publié en  1977 et enfin traduit en français pour la première fois par Jean-Baptiste Coursaud en 2021, est une dystopie féministe  absolument ébouriffante.

 

Elle fait bon vivre en Égalie où les hommes ont pris la place des femmes. Les femmes travaillent et gouvernent tandis que les hommes gardent les enfants, s’occupent des tâches ménagères tout en soignant aussi bien leur apparence corporelle que vestimentaire. Ils apportent un soin particulier à leurs cheveux et à leur barbe et pas question d’avoir des poils sur le torse ou de laisser apparaître leur calvitie. Si l’on veut être aguichant mieux vaut être petit, replet et rondelet. Quant aux vêtements de ces garsons, si les corsages fleuris, et les ballerines tout comme les petites minaudières sont affriolants, le soutien-verge obligatoire maintenu par une martingale fixée sous leur robe chasuble les gène et leur fait honte.

 

Dans les rues, par beau temps, les garses déambulent torse nu, les seins au vent tandis que les garsons sont contraints de porter chemise ou corsage sans devoir pour autant laisser perler la moindre goutte de sueur sous les aisselles.

 

Pétronius est un garson de quinze ans. Il est le fils de Rut Brame la présidente du directriçoire de la société coopérative d’état veillant à la bonne marche de l’état et de Kristoffer son époux dévoué.

 

Dans ce monde pour femmes, pas facile pour lui de trouver sa place  et son rêve serait de devenir marine-pêcheuse, mais les postes à responsabilité ou les métiers physiques comme celui-ci sont réservées aux femmes…

 

Voilà qu’il s’apprête à faire son entrée dans le monde, en assistant à son premier bal des débutants.  Mais quelle honte ce sera s’il n’est pas invité dans une cabine de touche, seul moyen de s’assurer un PPP, un pacte protège-paternité !

 

La rencontre avec Rosa, une femme hors du commun va peut-être lui ouvrir la porte pour conquérir enfin son indépendance… Il en viendra même avec des amis à créer un mouvement masculiniste !

 

C’est donc la destinée et la révolte de Pétronius que nous allons suivre avec ce roman.

 

Avec cette dystopie, Les Filles d'Égalie, Gerd Brantenberg renverse les codes - y compris ceux de la langue - en donnant les pleins pouvoirs au féminin. C’est vraiment le monde à l’envers dans tous les domaines, la sexualité incluse !

 

Dans ce matriarcat, où les femmes détiennent le pouvoir et oppriment les hommes, l’autrice donne les pleins pouvoirs au féminin, même grammaticalement, puisqu’il l’emporte sur le masculin. Que ce soient les formes impersonnelles, les mots, les expressions, chaque détail du langage est féminisé et révèle ainsi de façon ahurissante la misogynie de celui-ci. C’est ainsi qu’elle a bien fallu s’habituer, si elle vous plaît, à tous ces matronymes nouveaux, à ces métiers d’artistesses, de capitainesses et de pédégères pour comprendre cette fumanité vivant en Égalie, et surtout elle ne fallait pas s’étonner quoiqu’elle en soit si les garsons savaient mitonner des dîners de maîtresse !

 

Si j’ai pu trouver quelques longueurs parfois, et au début, avoir été quelque peu déstabilisée par cette méthode pourtant simple qui permet de critiquer notre société en la parodiant, je reconnais l’efficacité totale de cette recette !

 

À lui seul notre langage montre l’oppression invisible qui règne sur la gente féminine et comment les habitudes contribuent à la rendre moins perceptible.

 

Chapeau au traducteur Jean-Baptiste Coursaud (photo ci-dessous) pour qui le travail n’a pas dû être simple, mais quel bonheur de découvrir ces « reinaume, membresse, députette, hommelette ou encore mademoiseau », il lui a fallu, c’est certain, beaucoup de « maîtressise » !

 

Ce roman, on ne peut plus d’actualité est une véritable satire de notre société contemporaine. N’est-il pas incroyable que, plus de quarante ans après cette publication, la parité ne soit toujours pas encore chose réalisée ?

 

 

Les Filles d'Égalie est à lire absolument si l’on veut lutter contre la répartition injuste des biens et des devoirs et cette lutte doit être menée en permanence.

 

 

C’est un roman que je qualifierais de dingue, de mordant, débordant d’humour et tellement jubilatoire, un grand roman féministe que j’ai pu découvrir grâce à Lecteurs.com et aux éditions Zulma que je remercie sincèrement !

 

Ghislaine

 

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