Jules-François Ferrillon : Faussaire
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Faussaire par Jules-François Ferrillon.
Préface de Vincent Noce. Postface de Charles Illouz.
Éditions l’Âge d’Homme (2017) 513 pages.
C’est un livre étonnant, passionnant, intriguant découvert grâce au Club des Explorateurs de Lecteurs.com et aux Éditions L’Âge d’Homme qui ont bien fait de sortir ce premier roman de Jules-François Ferrillon, en Contemporains Poche, avec une préface et une postface, toutes les deux très instructives.
Jean-Bernard est le héros de ce livre, à moins que ce soit David… Si le premier raconte, il ne sait pas toujours où il est : dans sa vraie vie ou dans ce roman qu’il veut écrire. Les deux s’imbriquent, se mélangent, donnent des scénarios différents, alternatifs, des rêves ou des cauchemars. J’ai trouvé ce procédé littéraire osé, bien mené, malgré quelques longueurs.
L’auteur parle de ce qu’il connaît bien. Il a été prof de philo et courtier en tableaux anciens. Avec les femmes, j’y reviendrai, la peinture est le cœur de son roman qui m’a bien éclairé sur le marché de l’art.
Jean-Bernard drague : « Un dragueur à la noix, une espèce de pitre qui passe sa vie à raconter des balivernes, à papillonner sans but. » Tragédie ou bouffonnerie, il pose la question, lui qui se considère comme un adolescent d’une trentaine d’années, mi-chômeur, mi-prof. L’écriture est débridée, avalanchesque, pleine d’humour, avec quelques mots d’argot au passage.
Il y a bien Liv, sa femme, et leur fils, Vincent, mais c’est Marlene qui occupe l’essentiel. Fille de parents allemands, elle a un passé trouble, des relations mystérieuses dont ce John qui vit à New York. Elle claque l’argent comme elle respire : « Et Marlene s’intéressait à moi parce que j’étais différent. Une espèce d’innocent qu’elle encourageait à devenir ambitieux. J’étais d’autant plus flatté qu’elle me renvoyait l’image idéale de moi-même. » Entre eux, c’est chaud, très chaud… mais quand elle parle, ses sujets favoris sont : « Juifs, Seconde Guerre mondiale, Juifs, art, homosexuels, Juifs, Proche-Orient, Juifs, etc. »
Souvent, l’auteur nous ramène à l’hôtel Drouot où se font les ventes de tableaux et c’est l’occasion de détailler toutes les magouilles pour ne pas payer d’impôts. Au passage, l’auteur livre un chapitre joliment troussé, détaillant un stratagème monté par Giordano et David, personnages de la fiction en train de s’écrire.
Impossible de détailler tous les rebondissements d’une histoire à découvrir mais chacun apprendra beaucoup sur la mystification réussie par le faussaire et sur le respect qu’on lui doit car il faut avoir du talent pour berner tout le monde… Le monde des experts en prend aussi pour son grade alors que la question essentielle est : « Comment cambuster les marchands, carotter le bourgeois, repérer les tableaux, leur trouver un pedigree impeccable, une époque ancienne.» Oui, je sais, Jules-François Ferrillon (photo ci-contre) utilise parfois des mots étonnants comme cambuster ou avalanchesque…
En tout cas, la démonstration est réussie : « En matière de contemplation bienheureuse du Beau, le faussaire démontre donc que le faux vaut le vrai, ce dont attestent les querelles d’experts. » Je conseille vraiment la lecture de Faussaire, un livre plein d’enseignements et de moments aussi délicieux que rocambolesques.
Jean-Paul