Julie Ruocco : Furies

Furies       par    Julie Ruocco.

Actes Sud (2021) 282 pages.

Prix "Envoyé par La Poste" 2021.

 

 

Je ressors bouleversé de la lecture de Furies, le roman de Julie Ruocco, une jeune autrice que je lis pour la première fois grâce au Prix des Lecteurs des 2 Rives 2022 pour lequel elle est en lice.

 

Furies, nom donné par les Romains aux Érinyes grecques, filiation d’Ouranos (Uranus à Rome) dont l’une d’elles est gravée sur une pierre découverte par Bérénice dans un chantier de fouilles, en Thessalonique. Cette Furie l’accompagne pendant tout le récit. Jeune archéologue, Bérénice a subtilisé cette œuvre d’art et la porte en pendentif. D’ailleurs, complètement traumatisée par la destruction des monuments de Palmyre (photo ci-dessous) par les djihadistes, elle a choisi de collaborer à un trafic d’œuvres d’art, ce qui la ramène au Moyen-Orient d’où son père l’avait fait venir en France.

 

Voilà Kilis, petite ville turque à la frontière de la SyrieBérénice doit récupérer un lot d’objets précieux, du trafic issu des fouilles archéologiques. Une terrible explosion bouleverse tout mais Bérénice en réchappe sans oublier de récupérer le sac et son précieux contenu.

 

C’est tout près de là, à Öncüpınar qu’elle prend avec elle une fillette qu’une femme lui confie pour la sauver du camp de réfugiés où elle se trouve.

 

Bérénice, la fillette. Il ne manque plus que le troisième personnage important de ce roman terriblement réaliste : Asim. Lui, il était pompier dans sa ville syrienne où l’on vivait heureux après la révolution, la libération voulue par le peuple. Ce peuple est maintenant massacré par les djihadistes utilisés par le régime de Bachar al-Assad pour mater toute tentative de transformation du pays, quel qu’en soit le prix.

 

Tout au long du livre, Julie Ruocco (photo ci-dessous) me captive aussi bien par ses descriptions, ses moments de vie au plus près des gens comme par ses réflexions sur ce qui se passe là-bas sans que les pays occidentaux n’interviennent.

 

Quand tout bascule, l’État syrien ayant relâché les djihadistes emprisonnés pour interner les manifestants et les révolutionnaires, Asim devient infirmier puis fossoyeur. Sa sœur aînée, Taym, s’est révélée parmi les leaders du mouvement. Elle ne cesse de réunir toutes les preuves des massacres, tortures, exécutions sommaires perpétrés par ces hommes entièrement vêtus de noir. Tout cela est enregistré sur une clé USB afin que rien ne soit oublié.

 

 

C’est finalement à Kilis que Bérénice et Asim se rencontrent, ce dernier a fui sa ville dévastée, a appris à établir de faux papiers. Avec la fillette recueillie par Bérénice, ils doivent fuir encore pour vivre un temps au Rojava, le Pays des Deux Rivières au Kurdistan. Là, les Peshmergas tentent d’établir une vie démocratique où les femmes sont les égales des hommes.

 

C’est là que Bérénice est choquée profondément lorsqu’une femme, entièrement vêtue de noir, derrière les barbelés d’un camp de prisonniers, l’apostrophe avec l’accent parisien : « Couvre-toi la tête, tu es indécente. »

 

Comme beaucoup d’autres, elle fait partie de ces Européens venus semer la mort dans ces pays qui aspiraient tellement à la liberté.

 

Entre les cauchemars de Bérénice et le dur contact avec son quotidien, Julie Ruocco réussit à me faire comprendre, toucher du doigt la réalité de cette ronde de Furies antiques, se répétant sans cesse au cours de l’histoire.

 

Furies est un terrible roman allant bien au-delà des faits racontés avec précision. Julie Ruocco, de son écriture parfaite, a su me prendre et captiver mon attention tout en poussant ma réflexion sur des drames se jouant à notre porte et que nous avons laissé faire, le payant aussi, chez nous, par la mort violente de beaucoup trop d’innocents. Nous avons laissé faire et nous l’avons payé cher.

 

Réfléchissons alors pour tenter de comprendre et, pourquoi pas, empêcher que cela recommence comme l’actualité se charge de nous le rappeler régulièrement.

 

Jean-Paul

 

 

Furies       par    Julie Ruocco.

Actes Sud (2021) 282 pages.

Prix "Envoyé par La Poste" 2021.

 

Découvert dans le cadre du Prix des lecteurs des 2 rives organisé par ma médiathèque favorite, Furies de Julie Ruocco, a été pour moi une révélation !

 

Au départ, j’ai cru avoir à faire à une histoire de trafiquants avec cette jeune femme française nommée Bérénice, archéologue dévoyée, vivant maintenant de trafics d’œuvres d’art historiques. Mais, tout bascule, quand, en mission à la frontière turque, chargée de récupérer et rapporter des parures exhumées des ruines antiques de Palmyre, en Syrie, a lieu sous ses yeux le meurtre de l’intermédiaire chargé de lui remettre les bijoux, avec l’explosion d’une voiture.

 

Ayant pu contacter sa galeriste polonaise, celle-ci lui dit de rentrer au plus vite, en allant trouver un de ses contacts, une humanitaire suisse qui travaille dans le camp de réfugiés d’Öncüpinar et qui l’aidera pour le retour.

 

Bérénice reviendra de son voyage aux frontières du camp avec son sac de bijoux sous un bras et une petite réfugiée sans nom dans l’autre, prête à tout donner aux douaniers pour pouvoir rentrer avec l’enfant.

 

Ensuite, nous faisons connaissance avec Asim, jeune syrien, qui ne sait plus très bien comment, de pompier, il est devenu fossoyeur. « Sa seule certitude était que le sol déborderait bientôt et que si ça continuait, ils marcheraient sur un fumier de corps où plus personne ne pourrait distinguer le bourreau de la victime, le lâche du courageux ».

 

Poussé par l’avènement de l’État islamique, profondément meurtri - le sang s‘était retiré de ses veines lorsqu’il avait découvert dans un charnier, le corps de sa sœur Taym décapité, cette sœur qui s’était tant investie pour que la vérité éclate - il s’exile en Turquie. Il trouve un petit espoir en fabricant des faux passeports et en donnant aux survivants, les noms des morts enterrés dans son pays, tentant ainsi de leur donner une nouvelle vie. La grandeur de sa tâche est à la mesure de sa folie, celle de maintenir une mémoire vive, au moment même de son effondrement.

 

Avant de poursuivre, il m’est impossible de ne pas évoquer ce passage ô combien terrible et bouleversant, où la tante d’Asim prépare les corps de son fils et de la sœur d’Asim avant qu’ils ne soient enterrés. Ne voulant pas que sa nièce soit inhumée sans tête, elle va, avec délicatesse et maintes précautions, se servir d’une pierre ronde pour reconstruire son visage, puis le remodeler dans les plis du tissu…

 

 

Quant à Bérénice, elle doit se dépêcher de trouver un bon faussaire  pour les papiers de la petite, bien résolue à ne pas partir sans elle. Elle est alors mise sur la piste du « pompier syrien ». Sa recherche la mène « en périphérie de la ville frontalière, dans les quartiers de la « petite Syrie ». C’est là que les familles qui fuyaient la guerre civile puis l’État islamique avaient trouvé refuge. En quelques années, Kilis avait ainsi vu sa population doubler.

 

 

À travers ces deux trajectoires qui vont se croiser et s’unir, c’est l’histoire tout entière de ce conflit syrien que couvre ce roman, un témoignage absolument ahurissant d’une période qui couvre dix ans, s’ouvrant en 2011, par le tellement prometteur printemps arabe. 

 

 

L’élan de ce peuple qui se lève, qui a cru dans sa révolution, puis, les événements s’emballent…  La répression par le régime de Bachar el-Assad, la guerre civile, l’émergence de l’Islamisme radical, des exactions innommables, l’indifférence puis l’ingérence internationale, l'afflux des djihadistes venus d'Europe, dont de nombreux français. C’est l’horreur absolue avec ces violences, ces exécutions, ces tortures, ces disparitions entraînant l’exil, les camps de réfugiés, les brigades féminines de la résistance kurde assoiffées de liberté et de démocratie.

 

Furies est  comme un combat que Julie Ruocco (photo ci-dessus), au travers de ses héros, mène contre l’oubli.

 

Comment se fait-il que l’homme n’ait pas appris et n’ait pas tiré de leçons des horreurs du passé ?

 

En oubliant les crimes, on oublie les victimes et cette question centrale du roman sera l’obsession de nos protagonistes et la direction de leurs engagements.

 

En intitulant son roman Furies, du nom de ces divinités romaines correspondant aux Érinyes grecques, déesses de la vengeance, parcourant la surface de la terre en pourchassant sans relâche les criminels, considérées également comme protectrices des droits des membres de la famille, Julie Ruocco rend un superbe et puissant hommage à ces femmes qui ont fait les révolutions arabes et à leur quête de justice. L’auteure exprime également l’aspiration à une justice qui se servirait de la mémoire comme d’une sorte de remède pour éviter justement ces vengeances stériles uniquement pourvoyeuses de barbaries.

 

Furies de Julie Ruocco est un premier roman poignant, fort et sensible, sur le devoir de mémoire,  dont je suis sortie abasourdie et impressionnée.

Ghislaine

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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D
ah ce roman ! aviez vous écouté la lecture Manosque ? Je l'avais manquée et bien regretté, mais heureusement il y a pour tous la lecture de ce roman très fort.
Répondre
J
Non. Pas de lecture à Manosque... À l'époque, nous ne connaissions pas ce livre et toute sa force.
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