Shawn Vestal : Goodbye, Loretta
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Goodbye, Loretta par Shawn Vestal.
Traduit de l’anglais (USA) par Olivier Colette (titre original : Daredevils)
Albin Michel – Terres d’Amérique (2018) 341 pages.
Était-ce bien utile de mettre au centre de l’histoire ce motard cascadeur américain, Evel Knievel ? Peut-être que l’auteur est fasciné par celui qui se battit pour imposer le port du casque à moto, dans son pays ? Bien sûr, les deux anti-héros du roman, Jason et Boyd sont fous des exploits de cet homme mais c’est Loretta, un certain Bradshaw et les communautés de mormons qui captent l’essentiel de l’intérêt pour une histoire passionnante et très instructive.
Le titre choisi en français recentre d’ailleurs l’intrigue sur la véritable héroïne alors que le titre original, Daredevils (casse-cou ou cascadeurs) renvoie au fameux motard. Mais, finalement, je dois reconnaître que Loretta, Jason et Boyd, sont aussi des risque-tout comme Shawn Vestal le raconte si bien.
Goodbye, Loretta est un roman dont les épisodes sont soigneusement datés et c’est important pour la lecture car l’auteur nous renvoie au passé de ces mormons et de leurs luttes intestines. Il y a ceux qui évoluent un peu et ceux qui se croient ultra-purs afin de faire perdurer la polygamie en tentant de la masquer tant bien que mal.
Dean Harder est de ceux-là. Déjà marié à Ruth qui lui a donné sept enfants, il réussit à épouser Loretta (15 ans) avec l’assentiment de son père. Pourtant, elle connaissait déjà « le monde profane, puis retournait à la maison, à la vénération et à l’ennui. »
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À Short Creek, Arizona, vivent ceux qui se revendiquent comme membres de l’Église fondamentaliste de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, comme l’Ordre uni, le cercle le plus vertueux… L’autre pôle du récit se trouve à Gooding, Idaho, où Jason et son grand-père rusent pour aller assister à un exploit d’Evel Knievel, à Twin Falls où c’est la fête : « La foule est vulgaire et sale, mais effroyablement belle. »
C’est cela qui ressort le plus de cette communauté : une sorte d’attraction – répulsion, des gens gavés de beaux principes mais sachant bien mener leur barque pour éviter les écueils d’une trop grande modernité.
Loretta qui ne rêve que de liberté est donc devenue « épouse-sœur » d’un homme déjà marié, terriblement cupide et qui a promis d’attendre que sa seconde épouse ait 16 ans pour consommer le mariage…
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Shawn Vestal (photo ci-contre) rappelle les événements de juillet 1953, à Short Creek, aujourd’hui Colorado City, où les Fédéraux ont tenté de briser la communauté pratiquant la polygamie. Ruth fut de ces enfants arrachés brutalement à leurs parents.
Ensuite, après le décès du grand-père, tout le monde se retrouve des centaines de kilomètres plus au nord, à Gooding (Idaho). J’ai été de plus en plus absorbé par la vie de ces gens, leurs intrigues, leurs traditions religieuses et surtout ému par ces jeunes gens qui risquent tout pour tenter de retrouver la liberté, s’arracher du carcan familial. Les scènes finales sont palpitantes, dignes des meilleurs thrillers.
Je remercie Masse Critique de Babelio et les éditions Albin Michel pour cette belle découverte.
Jean-Paul