Pierre Lemaitre : Le Grand Monde

Le Grand Monde     par   Pierre Lemaitre.

Calmann-Levy (2022) 586 pages.

 

En quelques mois de l’année 1948, Pierre Lemaitre m’a à nouveau embarqué dans une histoire folle s’appuyant sur des faits réels et une impressionnante documentation.

 

Comme j’avais adoré la trilogie Les Enfants du désastre (Au revoir là-haut, Couleurs de l’incendie et Miroir de nos peines), j’ai été captivé par tous les événements vécus par cette famille Pelletier que l’auteur relie habilement aux livres cités plus haut mais je ne peux pas en dire davantage…

 

En trois grandes parties, plus un épilogue, Le Grand Monde me plonge d’emblée à BeyrouthLouis Pelletier a brillamment réussi dans la savonnerie. Il est d’ailleurs en tête d’une procession très familiale qui marque, chaque premier dimanche de mars, l’anniversaire de la création de son entreprise. C’est l’occasion de faire connaissance avec toute sa petite famille : Angèle, son épouse dévouée, et leurs trois enfants, Jean dit Bouboule, accompagné de Geneviève avec qui il est marié, Étienne, François et Hélène.

 

La Maison Pelletier et Fils a des succursales et son développement est remarquable. Louis Pelletier rêve de voir son fils aîné, Jean, lui succéder mais lorsqu’il le nomme Directeur Général, son incapacité est manifeste. Le père est obligé de reprendre les rênes avant la catastrophe alors qu’Angèle continue à diriger le personnel.

 

François, après avoir combattu, à 18 ans, dans la Première division de la légion de la France Libre, est parti à Paris pour intégrer, paraît-il, l’École Normale Supérieure.

 

Par la mer, Jean dit Bouboule fuit Beyrouth aussi pour Paris, avec Geneviève qui est une fervente experte en fellation et fait profiter de ses talents de nombreux membres de l’équipage du bateau…

 

 

De son côté, Étienne est un idéaliste sans idéal. Il a une passion amoureuse folle pour Raymond, parti hélas combattre le Viêt-Minh en Indochine. Comme il n’a plus de nouvelles de son amant, il rallie pour Saigon intégrer l’Agence indochinoise des monnaies.

 

 

Quant à Hélène (19 ans), elle veut aussi vivre à Paris, ce qui inquiète beaucoup ses parents. Elle hésite entre les études de lettres et les Beaux-Arts.

 

 

Le décor de ce roman est bien planté. Pierre Lemaitre va me balader de Beyrouth à Paris puis à Saigon où le Viêt-Minh combat par tous les moyens la colonisation française. Que ce soit perpétré par l’un ou l’autre camp, les méthodes de torture et les traitements infligés aux prisonniers sont des plus horribles.

 

Toujours à la recherche de son ami Raymond, Étienne prend son travail tellement à cœur qu’il va, peu à peu, révéler un incroyable trafic permettant d’enrichir les deux camps qui se combattent, avec des complicités remontant jusqu’à ces personnes que l’on dit haut-placées.

 

Les détails livrés par l’auteur sur la vie à Saigon sont à la fois passionnants et révélateurs. Je découvre même le succès de la secte Siên Linh qui, pour exister et se développer, mange à tous les râteliers.

 

Enfin, il y a Paris et François qui va se révéler un excellent journaliste, un enquêteur passionné, même si sa sœur, Hélène, le contraint à l’héberger dans son petit appartement alors qu’il y vit avec Mathilde.

 

Le plus mystérieux des trois frères est quand même Jean dit Bouboule, un homme complètement sous la coupe de Geneviève, son épouse. Si je ne peux pas en dire plus à son sujet, je peux quand même signaler quelques meurtres qui ne manquent pas de m’horrifier et de m’intriguer.

 

 

Si les enfants Pelletier, à Paris, réussissent à vivre, c’est bien grâce à la générosité de leur père mais rien ne va se passer normalement et c’est bien ce qui fait tout l’intérêt de ce roman plein de rebondissements et de surprises.

 

J’ajoute que Pierre Lemaitre réussit habilement à remettre en mémoire les grèves des mineurs du Nord, la violente répression exercée par les forces de l’ordre et l’armée. Tout cela débouche sur la manifestation du 11 Novembre 1948 qui voit les Gardes républicains et la Police charger mineurs et Anciens combattants avec une violence extrême. François est là, tentant de faire son travail de journaliste alors qu’il venait à un rendez-vous fixé par Nine, une jolie jeune femme dont on devrait encore entendre parler.

 

Beyrouth, Saigon, Paris, 1948, Le Grand Monde, nom d’un établissement parisien et d’une salle de jeux de SaigonÉtienne a pris ses habitudes alors qu’il s’est mis aussi à fumer de l’opium, Pierre Lemaitre, d’une écriture vivante, rythmée, maîtrisant parfaitement l’art du suspense et ménageant quantité de surprises, s’est lancé dans une nouvelle trilogie dont le premier opus rencontre un succès amplement mérité.

 

Je me suis régalé. Quantité d’événements sont revenus dans ma mémoire et j’ai aussi appris beaucoup sur cette histoire pas si lointaine des colonisations menées par notre pays et qui ne sont pas terminées de manière glorieuse. Au passage, beaucoup de protagonistes en ont profité tout à fait impunément alors que le peuple de France manquait de tout après les années terribles de la Seconde guerre mondiale.

 

Le Grand Monde devrait être suivi par deux autres romans et je suis sûr que Pierre Lemaitre travaille déjà sur le suivant et que son talent d’écrivain se manifestera à nouveau pour notre plus grand régal !

 

Jean-Paul

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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D
Très envie de le découvrir celui-ci aussi !
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J
Alors, vas-y ?
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