Wendy Guerra : Un dimanche de révolution
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Un dimanche de révolution par Wendy Guerra.
Traduit de l'espagnol (Cuba) par Marianne Millon.
Buchet/Chastel (2017), 213 pages.

Le mot roman n’apparaissant nullement sur ce cinquième livre publié en France par Wendy Guerra (photo ci-contre), cela confirme la part importante sinon essentielle de vécu que comporte Un dimanche de révolution.
L’autrice s’attache à Cleo, poétesse, écrivaine, la trentaine, qui vient de perdre ses parents dans un accident. Son mal-être s’affiche d’entrée : « Je suis hors-jeu. Je n’existe pas. » Il faut dire que sa vie à Cuba ne l’y aide pas. Alors qu’elle est publiée par une éditrice de Barcelone, les segurosos, agents de sécurité de l’État, la visitent régulièrement et, pour elle, La Havane n’est plus une capitale car « devenue trop petite, trop médiocre, sa beauté ne l’empêchera pas de s’éteindre. »
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Mon enthousiasme pour ce livre s’est étiolé doucement après la page 100. Je souffrais en lisant ces lignes sur la vie de Cleo dont l’existence est disséquée, examinée, privée de toute intimité par l’État, comme c’est le cas pour beaucoup de Cubains. Ce livre me rappelait beaucoup celui de Roberto Ampuero : Quand nous étions révolutionnaires.
Les mots frappent dur : « bêtes de somme, abîme, douleur, brutalité, sottise incohérente, vulgarité… supportant le peu qui subsistait de cette utopie née dans les années soixante. » Malgré ce qu’elle endure à Cuba, ailleurs elle est suspecte, rejetée par les Cubains exilés. La lettre très confidentielle qui lui est confiée à Mexico, pour être acheminée jusqu’à Cuba, est une humiliation extrême. Elle prouve combien l’exil exacerbe ceux qui ont choisi cette voie et ce qu’ils sont capables de faire pour rabaisser ceux qui tentent quand même de vivre au pays.
Certaines ouvertures se font tout de même sentir comme cette fête où elle est invitée. Des exilés sont présents et l’accueillent à leur table ce qui ravive encore plus la surveillance policière dont elle fait l’objet et les brimades à venir.
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Wendy Guerra fait comprendre le drame des auteurs et créateurs, dans son pays. Elle détaille les différentes façons de fouiller un appartement, les modes de surveillance avec la femme de ménage puis le seguroso de la famille qui s’invite régulièrement… Sa poésie est une protection magique contre la peur mais : « Sur cette île, la vie privée est comme l’hiver ou la neige, juste une illusion. »
Cleo aime Cuba. Malgré les escapades qu’elle réussit à faire à Mexico, Barcelone, Paris, Cannes, New York, elle veut toujours revenir tout en dénonçant ce flicage permanent dont sont victimes les artistes voulant garder leur indépendance : « je vais me chercher là-bas, j’appartiens à cette terre. C’est mon odeur et ma lumière. »
Bien conscient de tout cela, j’ai été décontenancé par tout ce qu’a ajouté l’autrice pour densifier son livre, cette recherche de parents impliquant des services secrets et ce fameux Gérónimo pour déboucher sur un film présenté sur la Croisette…
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Pour finir, j’ai bien lu « Les poèmes de Cleo » à la fin du livre et j’ai trouvé très bon « Lance Massaï ». texte original et émouvant, même si la mise en page est un peu gênante à cause de ces renvois en bout de ligne déséquilibrant parfois la lecture.
J'ai pu découvrir ce livre grâce à Lecteurs.com que je remercie ainsi que les éditions Buchet/Chastel.
Jean-Paul