Christine Féret-Fleury : Le pays aux longs nuages
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Le pays aux longs nuages par Christine Féret-Fleury.
La Belle Étoile (2022) 236 pages.
De moments douloureux aux bonheurs les plus simples sur fond de recettes de cuisine toutes plus délicieuses les unes que les autres, Le pays aux longs nuages, de Christine Féret-Fleury, m’a emporté de Syrie en Italie.
Acia et Kamar s’expriment chacune à leur tour, à un rythme régulier. Si la première est un peu paumée, parle italien mais rêve en français, l’autre vit de terribles journées après avoir connu les horreurs de la guerre que les hommes s’ingénient à créer ou à entretenir.
Kamar n’est pas seule. Elle est avec sa fille, Hana, qu’elle protège avec le plus grand soin. Toutes les deux, elles ont fui un pays bouleversé par les bombes, les snipers qui sèment la mort. Assâad, le mari de Kamar, parti chercher de l’eau, n’est jamais revenu.
Maintenant, à Izmir, en Turquie, Kamar et Hana cherchent à fuir pour gagner l’Europe de l’Ouest. Elles qui n’ont jamais vu la mer, sont effrayées, ont peur qu’elle les avale.
De son côté, Acia se trouve à Naples où le restaurant qui l’employait, a fermé. Elle qui rêvait de s’exprimer en cuisine, ne le pouvait pas à cause du patron, Fabrizio, un macho de première catégorie. À 37 ans, elle se retrouve au chômage depuis trois semaines. Alors, elle décide de partir à l’aventure avec sa Fiat, accompagnée d’un Chat qui a imposé sa présence.
À Izmir, Kamar et Hana vivent ce que des milliers de réfugiés ont vécu ou vivent encore : les passeurs qu’il faut payer grassement, un bateau peu sûr où elles sont entassées avec d’autres hommes, des femmes et des enfants.
Hélas, l’aventure n’est pas un succès car un garde-côte les intercepte et les voilà enfermées dans un camp. Une cuillère en bois sculptée par sa grand-mère est l’objet le plus précieux qu’elle préserve jalousement. Pour survivre, elle a son amour pour sa fille, Apour Assâad et les recettes de cuisine de cette même grand-mère qu’elle se répète inlassablement.
Je ne peux dévoiler la suite mais simplement dire que le roman de Christine Féret-Fleury (photo ci-contre) est plein d’une sensibilité à fleur de peau. C’est aussi un bel hommage aux femmes qui font preuve d’un courage extraordinaire tout en accomplissant les actes les plus simples.
L’alternance entre Kamar et Acia m’a attaché au sort de ces deux femmes qui… Leurs confidences, leur récit, leurs souvenirs sont complétés par une certaine Nebbe. Elle vit sur fauteuil roulant, à Palazzo, près d’Assise. Son osteria (photo ci-dessus) se trouve dans un état lamentable. Vivant seule, elle a rangé quantité de souvenirs dans une chambre, à l’étage.
Avec un sens du suspense bien maîtrisé, par petites touches révélatrices, Christine Féret-Fleury me conduit peu à peu vers un dénouement que j’espère positif et toujours avec quantité de recettes de cuisine italienne et orientale qui m’ont bien mis l’eau à la bouche. Qu’est-ce que j’aurais aimé déguster cette salsiccia, saucisse sèche, spécialité des Pouilles ! Il y a aussi les carciofi alla giuda (artichauts à la juive - photo ci-dessous) qui doivent être servis dès qu’ils sortent de la friture ou encore le mutabel shawandar (purée de betteraves syrienne - photo ci-dessus) qui rappelle à Kamar ses journées d’anniversaire ou ses pique-niques d’étudiante…
Quant au vin, le trebbiano d’Abruzzo, bien frais, serait le bienvenu en ces temps de canicule. Dans Le pays aux longs nuages, il y a bien d’autres recettes mais aussi quantité de souvenirs souvent malheureux que Kamar et Acia font remonter à la surface.
Grâce à Babelio et aux éditions Marabout - La Belle Etoile que je remercie, j’ai pu découvrir un roman très actuel aux péripéties souvent décrites dans l’actualité mais avec des surprises et une tendresse parfaitement écrites. Bref, comme les vieux de Palazzo, je me suis régalé !
Jean-Paul