Philippe Besson : Un certain Paul Darrigand
-
Un certain Paul Darrigand par Philippe Besson.
Julliard (2019) 216 pages ; Pocket (2020) 168 pages.
Après Arrête avec tes mensonges, roman pudique, qui met au jour l'éveil homoxesuel de l'auteur, Un certain Paul Darrigrand est le deuxième volet de la trilogie autobiographique de Philippe Besson, que Dîner à Montréal clôturera. Dans celui-ci il retourne donc sur les traces d'une jeunesse hantée par la mort et les liaisons dangereuses et nous entraîne sur les chemins de sa vie d'étudiant où réalité et fiction s'entremêlent.
S'apprêtant à déménager, Philippe Besson (photo ci-dessous) qui s'exprime à la première personne, fait le tri dans ses affaires et tombe sur une vieille photo de jeunesse prise entre le 17 et le 21 décembre 1988, sur l'île de Ré. Ce cliché, où ils sont deux, Paul, 24 ans et lui, Philippe, 21 ans ; prouve que leur relation a bien existé.
L'auteur se remémore sa première rencontre avec Paul, lors de la rentrée universitaire à Bordeaux où ils se bousculent en se croisant, chacun tentant de rejoindre son cours : "Donc, c'est juste cela, notre premier contact : une légère bousculade, une oeillade sombre, un frôlement, et puis un effacement. C'est sans importance. Enfin, c'est ce que je crois."
Un amour impossible va naître compliqué par la maladie. Philippe va être affecté par une anémie et des défenses immunitaires qui s'effondrent. Comment ne pas penser alors au sida et à la peur qu'il engendre.
Son amie Catherine lui fera prendre conscience qu'il souffre d’une affection qui a sans doute quelque chose à voir avec cet amour impossible et compliqué, même si le lien n’est pas avéré.
L'écrivain profite de cet épisode pour nous révéler qu'en 2001, dans un livre intitulé Son frère, il avait fait un pur roman à partir d'une réalité vécue dans sa jeunesse dans lequel son frère aîné lui annonce qu'il souffre d'une thrombopénie et où il s'était donné le rôle du bien-portant. Le lecteur était convaincu qu'il s'agissait d'un récit autobiographique ! Il nous dévoile ainsi le vrai et le romanesque de cet autre roman et nous montre ici, l'envers du décor : la réalité derrière la fiction. Il n'oublie pas également de rappeler l'actualité de ces années 88 - 89. Il évoque ce 21 décembre 88 date de l'explosion du Boeing 747 au-dessus de Lockerbie, ce 5 juin 89, à Roland-Garros où Michael Chang s'imposa face à Lendl et n'oublie pas de relater que presque au même moment, à Pékin, sur la place Tiananmen, un homme seul, sans arme, se tient debout devant une colonne de chars, l'empêchant d'avancer...
Philippe Besson par des mots bien choisis nous offre une autofiction toute en délicatesse, pleine de sincérité, avec ses souvenirs intimes particulièrement émouvants et si bien traduits qui lui reviennent en mémoire. Comme pour Arrête avec tes mensonges, j'ai été conquise par cette écriture concise, juste et pleine de subtilités qui traduit si bien l'envie, le désir, l'absence et la mélancolie.
Ghislaine