Charles Juliet : Lambeaux
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Lambeaux par Charles Juliet.
POL (1995) ; Folio (1997 et 2011),154 pages ; Éditions de la Loupe (2005) 168 pages.
Charles Juliet a écrit Lambeaux à la seconde personne du singulier, un récit consacré à sa mère biologique d’abord avant de devenir carrément autobiographique ensuite. Ainsi, il touche particulièrement le lecteur, le faisant entrer dans une intimité pleine de délicatesse, même si la réalité est souvent très dure à vivre.
Aînée de quatre filles, sa mère s’occupe de la ferme, travaille du matin au soir. Classée meilleure élève du canton, elle doit pourtant abandonner l’école et parle de son instituteur : « Ces phrases qui s’écoulaient de ses lèvres. Simples, aisées, passionnantes. Et qui, bien souvent, exprimaient exactement ce que tu souhaitais entendre. »
Toute la rudesse de la vie à la campagne est là avec ce père à qui elle a envie de parler sans y parvenir. Il a ses colères, jamais un remerciement, un encouragement : « Il ne te pardonne pas d’être une fille. »
Heureusement, il y a ce colporteur qui la fait rêver à un départ. La Bible est le seul livre qu’elle possède. Elle note et tient un journal sans s’en rendre compte. Puis il y a ce jeune étudiant qui lui permet d’ « aimer, oui, mais aimer sans contrôle, sans mesure, dans un don de soi éperdu. »
Finalement, elle épouse Antoine qui travaille dans une scierie et s’absente de plus en plus. Après avoir donné naissance à deux garçons et une fille, elle met au monde un quatrième enfant, ce qu’elle ne supporte pas, tant sa solitude est grande. Après une tentative de suicide, elle est internée en psychiatrie : « Une fosse où croupissent des démolis, des effondrés, les crucifiés de l’interminable souffrance. » Abandonnée par tous, elle meurt de faim sous l’occupation nazie, à 38 ans, sort que subirent 40 000 personnes, au moins, dans notre pays.
Dans la seconde partie, Charles Juliet (photo ci-dessus) rend hommage à son autre mère, celle qui l’a élevé et lui a donné beaucoup d’amour. Toujours à la deuxième personne du singulier, il raconte en fait son parcours qui le voit passer de la vie à la campagne à l’École des enfants de troupe d’Aix-en-Provence puis à Lyon, au service de santé militaire.
Son cheminement vers l’écriture est long et difficile car il se heurte à trois principaux obstacles : la violence de ses émotions, le trop grand désir de bien faire et l’admiration qu’il porte aux grands écrivains.
Charles Juliet termine ces Lambeaux en se posant beaucoup de questions, demandant aussi pardon à cette mère que, bien involontairement, il dit avoir poussée dans la tombe. Malgré tout, il conclut ainsi : « Et tu sais qu’en dépit des souffrances, des déceptions et des drames qu’elle charrie, tu sais maintenant de toutes les fibres de ton corps combien passionnante est la vie. »
Un immense merci à Fred, Amandine, Josette et Jeannot pour ce livre plein de sensibilité et d’espoir.
Jean-Paul