Roy Lewis : Pourquoi j'ai mangé mon père

Pourquoi j’ai mangé mon père     par     Roy Lewis.

Actes Sud (1990, 1993, 1999, 2004, 2015, 2021).

Pocket (2006 et 2012) 182 pages.

Titre original : The Evolution Man, or, How I Ate My Father puis What We Did to Father .

Traduit de l’anglais par Vercors et Rita Barisse ; postface de Annie Collognat.

 

 

 

Dans cette fiction complètement folle et tellement juste, Roy Lewis nous plonge au cœur de l’Afrique, au pied du Kilimandjaro et du Ruwenzi, deux volcans en pleine activité.

 

C’est Ernest, jeune pithécanthrope, qui raconte, nous présentant petit à petit, toute sa famille. Il y a l’oncle Vania qui veut continuer à vivre dans les arbres et Edouard, son père, qui ne cesse de chercher à évoluer, à perfectionner tout ce qu’il trouve. À force de courage, il réussit à rapporter le feu depuis le volcan.

 

Avec beaucoup de talent et un humour omniprésent, Roy Lewis fait comprendre tout ce que le feu a apporté, fascinant les premières tribus tentant de le domestiquer. Le feu permet de se chauffer, sa fumée chasse les mouches et les moustiques mais il brûle aussi : « Le feu l’a mordu ! » Très réaliste, le père reconnaît : « Enfant brûlé craint la flamme. »

 

 

Au fil des pages, je partage la vie quotidienne de ces hommes qui ont du mal à passer du stade de végétariens, avec des dents d’herbivores, au régime omnivore. Se pose aussi la question du logement, problème toujours très actuel : « Toute femme-singe désire une caverne »

 

 

 

Chacun des frères d’Ernest révèle des qualités différentes comme Alexandre qui passe son temps à observer les animaux. Il y a aussi ses sœurs dont Elsa, sa meilleure copine, alors que Anne, Alice et Dorine sont promises à ses frères…

 

 

Grâce au feu, ils sont plus efficaces à la chasse, le père ayant découvert par hasard qu’une pointe de pieu passée dans la flamme devient très dure. Ils mangent maintenant à leur faim. Alexandre dessine et il est fort adroit pour « capter les ombres d’animaux de toutes sortes, pour les fixer sur les roches. » William, de son côté, tente d’apprivoiser un chien. Le retour de l’oncle Ian, un grand voyageur, permet de faire le point sur tout ce qui se passe à la même période, ailleurs, jusqu’en Chine !

 

 

Mais voilà que le père décide d’emmener ses quatre aînés à la recherche d’une épouse, dans une autre horde… pour mélanger les gènes. Après une longue observation et un débat sur la méthode à employer, Ernest porte son choix sur une certaine Griselda qu’il va poursuivre pendant onze jours : « Mais je ne perdais pas de vue cet arrière-train tout frétillant. »

 

 

Pourtant, c’est elle qui décide du moment de la rencontre, ce qui vexe notre soupirant. Il reconnaît chez Griselda : « Ce mélange de ruse, de coquinerie, de cynisme, de cruauté !... Et puis ces larmes féminines pour obtenir par la pitié ce que son stratagème de lionne en chaleur n’avait pu s’arroger. » Évidemment, « une des plus grandes découvertes de ce temps, ce fut l’amour. » Roy Lewis (photo ci-dessous) me gratifie de descriptions fabuleuses avec un style éblouissant. Nos amoureux ne touchent plus terre : « Amour, amour, quand tu nous tiens ! »

 

 

Au retour, la mère, grâce au feu, a inventé la cuisine et nous voilà partis pour une chasse gigantesque. S’ensuit un barbecue géant mais voilà que les sœurs sont enlevées à leur tour par les frères de Griselda. Soudain, la catastrophe arrive alors que le père et Tobie, un de ses frères, viennent de réussir à faire du feu… sans réussir à le maîtriser. Il faut déménager, trouver des lieux plus accueillants, négocier avec les premiers occupants déjà installés. Alors que le père vient d’inventer l’arc, un accident bien préparé met fin à l’histoire qui se termine donc en parricide et en patriphagie, comme le titre le laisse présager.

 

Écrit en 1960 mais seulement traduit en français en 1990, ce roman est un véritable régal ne se contentant pas d’être drôle mais aussi très bien documenté.

 

 

 

 

Merci beaucoup à Yvette de m’avoir offert ce livre ramenant en des temps bien lointains mais avec un narrateur s’exprimant de façon actuelle et désopilante.

 

Jean-Paul

 

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