2. ANNIE ERNAUX : Prix Nobel de Littérature 2022
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Annie Ernaux : PRIX NOBEL de Littérature 2022.
La place par Annie Ernaux.
Gallimard (1983) ; Folio (1986) 128 pages ; Folio plus classiques (2006) 113 pages.
Prix Renaudot 1984.
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Annie Ernaux fait partie des écrivains que l’on étudie maintenant au lycée. La place est donc édité en version classiques, bel hommage à cette autrice qui écrit sur ce qu’elle a vécu, senti, ressenti, sur cette place acquise dans la société, tout en ayant le sentiment d’avoir peut-être trahi ses origines.
Le livre commence par les épreuves pratiques du Capes, dans un lycée de La Croix-Rousse, à Lyon : « Le soir même, j’ai écrit à mes parents que j’étais professeur « titulaire ». Ma mère m’a répondu qu’ils étaient très contents pour moi. »
Hélas, deux mois après, jour pour jour, son père est mort, à 67 ans, « Ma mère n’a fermé le commerce que pour l’enterrement. Sinon, elle aurait perdu des clients… » À la fin du livre, l’autrice reviendra sur ces moments douloureux vécus avec son jeune fils.
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Décidée à écrire un roman racontant la vie de son père, elle abandonne ce projet pour relater tout simplement ses paroles, ses gestes, ses goûts, les faits marquants de sa vie « tous les signes objectifs d’une existence que j’ai aussi partagée ».
En pays de Caux, à 25 km de la mer, son grand-père « était un homme dur, personne n’osait lui chercher des noises. » Il ne savait ni lire, ni écrire. Sa grand-mère tissait chez elle mais avait appris à l’école des sœurs. Son père fut retiré de l’école à 12 ans alors qu’il était dans la classe du certificat d’études, placé comme garçon de ferme, jusqu’au régiment. À son retour, « il n’a plus voulu retourner dans la culture. »
C’est dans une corderie qu’il rencontre celle qui deviendra sa femme. Fidèle à son habitude, Annie Ernaux détaille la photo de mariage, parle du logement de ses parents, de la première naissance, cette sœur qu’elle ne connaîtra jamais, morte de la diphtérie à l’âge de 7 ans. Trop vieux pour être rappelé en 1939, son père fuit à vélo devant l’avancée allemande alors que son épouse, enceinte, part en voiture. Finalement, ils reviennent à Lillebonne (L… dans le texte) où la petite épicerie que tenait sa mère, a été pillée.
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Ainsi, elle déroule la vie de ses parents mêlée à la sienne. Elle constate : « j’émigre doucement vers le monde petit-bourgeois. » Puis, un peu plus loin : « Mon père est entré dans la catégorie des gens simples ou modestes ou braves gens. » Il avait l’habitude de dire : « que j’apprenais bien, jamais que je travaillais bien. Travailler, c’était seulement travailler de ses mains. »
Ce père qui disait : « Vous avez bien raison d’en profiter. », la « conduisait de la maison à l’école sur son vélo. Passeur entre deux rives, sous la pluie et le soleil. » Ce passage dans un univers radicalement différent, « le monde bourgeois et cultivé » crée chez Annie Ernaux (photo ci-dessus) un douloureux malaise et revient toujours la même question : quelle est sa place ?
Jean-Paul