Brigitte Giraud : Vivre vite
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Vivre vite par Brigitte Giraud.
Flammarion (2022) 203 pages.
Prix Goncourt 2022.
Brigitte Giraud est une auteure que j’avais appréciée pour Un loup pour l’homme et Jour de courage. Aussi, n’ai-je pas hésité à me lancer dans la lecture de son dernier roman Vivre vite.
Celui-ci se présente comme une sorte d’enquête que mène l’auteure sur tout ce qui a précédé cet accident de moto dans lequel son compagnon Claude a perdu la vie, revenant sur ces journées qui s’étaient emballées et ce concours de circonstances qui ont conduit à l’inéluctable.
Elle écrit ce livre alors qu’elle vient de signer l’acte de vente de la maison qu’elle avait achetée avec Claude, il y a vingt ans et dans laquelle Claude n’a jamais vécu, ce dernier ayant perdu la vie le 22 juin 1999, sur un boulevard de la ville de Lyon, en accélérant sur une moto qui n’était pas la sienne.
Elle a gardé la maison ensuite, ayant décidé que celle-ci serait ce qui la relierait à Claude.
Avant d’en fermer définitivement la porte, et parce que cette maison est au cœur de ce qui a provoqué l’accident, elle fait un dernier point sur cet accident dont on n’a jamais expliqué la cause.
C’est ainsi qu’elle va questionner ce fichu destin, dresser une liste de « si », cette litanie de « si », qui dit-elle, l’a obsédée pendant toutes ces années.
Chaque élément de cette liste sera le titre et l’objet d’un chapitre, Si je n’avais pas voulu vendre l’appartement, Si mon grand-père ne s’était pas suicidé, Si je n’avais pas visité cette maison… plus d’une vingtaine de Si, vingt-trois, précisément pour tenter de comprendre l’incompréhensible.
En émettant tout ces si, elle ne peut s’empêcher de ressentir une part de culpabilité et cette phrase résume bien son sentiment : « Par ma volonté, j’avais préparé, sans le savoir, les conditions de l’accident. »
Que d’émotions aussi dans ses propos et ce, dès les premières pages lorsqu’elle doit abandonner le « nous » pour le « je », ce « nous » qui l’avait portée et ce « je » qui « m’écorchera , qui dira cette solitude que je n’ai pas voulue, cette entorse à la vérité » !
Toutefois ce qui l’interpelle profondément et qui m’a également choquée, c’est le fait que cette fameuse moto, cette Honda 900 CBR Fireblad, (Lame de feu) sur laquelle Claude roulait le jour de l’accident, ait été réservée à l’exportation vers l’Europe alors qu’elle était interdite au Japon, jugée trop dangereuse.
Mais, concurremment à cette quête de signes, à cette analyse de détails, de micro évènements survenus dans la semaine qui précède l’accident, c’est la vie de famille, la vie de ce couple porté par la musique et l’écriture, leur appétit de vivre, le portrait d’une époque également, celle des années 90, qui sont racontés, une belle histoire d’amour.
J’ai aimé cette musique que Claude mettait au centre de tout et j’ai bien sûr vibré à l’évocation de ce premier album de Dominique A, (l’un de mes chanteurs fétiches, photo ci-dessous), de cette si belle chanson Le Courage des oiseaux, devenue pour le couple leur signe de ralliement, leur code secret.
En auscultant ainsi point par point les circonstances de l’accident, elle essaie de trouver une logique à ce qui est arrivé, même s’il n’y en a pas, ce que tous, nous avons pu faire, un jour ou l’autre.
Brigitte Giraud avec cette autofiction dépasse largement l’histoire personnelle, offrant un récit superbe de portée universelle sur la perte d’un être cher et la difficulté de la reconstruction.
Brigitte Giraud a su faire de ce livre qui aurait pu être un livre de deuil, un livre bouillonnant d’énergie, empreint de beaucoup de douceur et de nostalgie, et où la vie exulte malgré tout.
Ghislaine