Claire Raphaël : S'ils n'étaient pas si fous
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S’ils n’étaient pas si fous par Claire Raphaël.
Rouergue Noir (2022) 282 pages.
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Voilà un livre publié par Rouergue Noir : S’ils n’étaient pas si fous. C’est un polar que Claire Raphaël mène au bout mais, comme le titre peut le laisser supposer, le troisième roman policier de cette autrice va bien au-delà de la simple enquête policière.
Claire Raphaël connaît bien son sujet puisqu’elle est ingénieure de la police scientifique. C’est pourquoi elle assume parfaitement tout le versant policier de S’ils n’étaient pas si fous qui débute dans la ZAC de Bel Air à St Germain-en-Laye, un quartier classé zone sensible parce qu’il a une vocation sociale et qu’une petite délinquance s’y développe.
Un coup de feu, dans la nuit, réveille Nicolas qui n’hésite pas à grimper à l’étage au-dessus, au quatrième. Il trouve une douille sur le palier et une femme de cinquante-six ans qui vient d’être tuée d’une balle dans la tête.
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Police-secours arrive et c’est le commissaire Ludovic Marchand-Thierry qui est chargé de l’enquête. Débute alors la recherche bien agencée avec ses doutes, ses questions, ses surprises et ses problèmes.
Comme je l’ai dit, Claire Raphaël connaît bien son sujet. Elle n’hésite pas à inclure dans son polar les ennuis avec la hiérarchie, les freins, les doutes qui gênent l’enquête obstinée de Ludovic.
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Tout le roman ne se limite pas à cela car quelques informations émergent. J’apprends que la fille de la victime, Amélie Rougesse, est schizophrène. Ce trouble mental sévère et chronique, ce trouble psychotique se manifeste au début de l’âge adulte et nécessite l’utilisation de certains médicaments mais, comme le démontre l’autrice dans ce roman, la schizophrénie peut être soignée par la participation à certaines activités qui redonnent confiance à la personne malade.
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Aurélie Rougesse a vingt-quatre ans et devient aussitôt la première suspecte. L’équipe de Ludovic est composée de Caroline, Serge et Étienne. Ce dernier a un frère schizophrène et il n’hésite pas à intervenir pour modérer les actions de son équipe.
Brusquement, le récit classique change avec l’arrivée du « Je ». C’est une femme qui s’exprime et intervient régulièrement jusqu’à jouer un rôle prépondérant. Un peu plus loin, j’apprends qu’elle s’appelle Alice Yekavian et qu’elle est fonctionnaire de police scientifique. Elle écrit de la poésie pour cultiver son imagination et a donc un autre point commun avec Claire Raphaël (photo ci-dessous) qui publie aussi ses poèmes.
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En marge de l’enquête, les problèmes causés par la schizophrénie émergent de plus en plus. Alice rencontre Nathan et d’autres malades dans un atelier d’un CMP (Centre médico-psychologique) mettant en avant le rôle positif de la poésie. Cet atelier est animé par Martin qui se présente ainsi : « Je suis un ancien patient, j’ai souffert longtemps de schizophrénie, je suis désormais non pas guéri, le terme serait inadapté, mais je suis totalement stabilisé. »
Cette déclaration définit bien le travail accompli pour aider celles et ceux qui souffrent de ce mal et sont rapidement marginalisés par la société. Si l’hôpital psychiatrique, qu’on appelait autrefois « l’asile » en ajoutant souvent « de fous », cette institution tente de soigner les cas les plus graves. Par contre, bien d’autres actions, d’aides efficaces sont menées mais pas assez, faute de moyens.
Claire Raphaël pousse loin la réflexion tout en la liant à l’enquête policière. À cela, s’ajoute le trafic et la consommation de drogue, de cannabis et un atelier de développement personnel animé par un certain Thomas.
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Alice n’hésite pas à assister à une ou deux séances mais s’implique bien plus dans l’atelier poésie du CMP. Bien d’autres personnages traversent le récit, qu’ils soient impliqués dans l’action de la police ou simplement rencontrés au fil du récit.
Quand Alice retourne au CMP dirigé par le Docteur Mickaël Servier, pour la dernière séance où elle va lire le poème rédigé par le groupe de patients, poème auquel elle a participé, Mickaël Servier ne s’adresse plus aux membres de l’atelier comme un médecin mais comme un homme ordinaire.
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Alors, S’ils n’étaient pas si fous est conclu par un magnifique poème prouvant que ces femmes et ces hommes que l’on dit malades, sont tout à fait prêts à prendre ou à reprendre une place dans la société, à condition qu’on les aide et qu’on arrête de les considérer comme « fous ».
Pour finir, je tiens à extraire quelques lignes de ce magnifique poème qui prouve tout le talent de Claire Raphaël :
« Nous sommes les patients
d’un lieu qui nous console,
on y entend des plaintes,
on y croise des visages,
des corps mal engagés aux accents mécaniques,
des yeux dépareillés aux parfums psychotropes,
des vies défigurées,
des vies déracinées,
des vies comme englouties par le bruit la fureur des plus grandes tempêtes. »
Pour lire le poème complet, une seule solution, se plonger dans lecture de S’ils n’étaient pas si fous, un livre très bien écrit que j’ai eu la chance de découvrir grâce à Babelio et aux éditions Rouergue Noir que je remercie car c’est une lecture émouvante et passionnante, utile pour une réflexion constructive.
Jean-Paul