IV. Correspondances de Manosque 2022
-
24ème édition.
Samedi 24 septembre.
Silence on lit !
Chaque année, les Correspondances de Manosque font une place pour Silence on lit ! Il s'agit d'une association nationale qui met en œuvre la pratique de la lecture selon un concept et une méthodologie qu'elle a créée. Le but est de redonner à tous le plaisir de lire, l'expérience du silence, le chemin de l'intériorité, la perception du temps, le sens du partage afin de permettre au plus grand nombre d'emprunter les voies de la culture et de la connaissance.
Silence on lit ! fait sa place dans les établissement scolaires, les entreprises, les administrations,
les associations, etc...
Après une présentation très complète, les responsables de Silence on lit ! nous ont laissé, bien sûr, un petit quart d'heure pour nous plonger dans la lecture du livre que nous avions amené.
Pour celles et ceux qui veulent en savoir plus, il suffit d'aller sur le site : www.silenceonlit.com.
Grégoire Bouillier : Le cœur ne cède pas.
Quand Grégoire Bouillier se met à parler, bien lancé par Yann Nicol, nous sommes emportés par ce qu'il nous confie.
/image%2F3417118%2F20221014%2Fob_212381_20220924-181651.jpg)
Dans Le cœur ne cède pas (Flammarion), l'auteur rappelle l'histoire extraordinaire de Marcelle Pichon, histoire qui fut un simple fait divers en 1985. Cette femme de 64 ans s'est laissée mourir de faim dans son appartement parisien, tout en écrivant ce qu'elle ressentait dans un journal retrouvé après sa mort.
/image%2F3417118%2F20221014%2Fob_bd3dbc_20220924-181933.jpg)
Avec son talent de conteur, Grégoire Bouillier lance Baltimore et Penny, deux personnages créés de toutes pièces, dans une enquête, déployant une méthode d'investigation géniale, en quatre vingt dix-neuf chapitres. C'est un roman de plus de neuf cents pages, une vraie perle qui n'ennuiera jamais le lecteur.
Sur la scène dressée Place de l'Hôtel de Ville, l'auteur nous confie que l'écriture est, pour lui, un temps fabuleux qui devrait durer plus longtemps. Il rappelle que Marcelle Pichon fut mannequin. Elle se suicide sur un temps fou, s'infligeant d'atroces souffrances.
De plus, Grégoire Bouillier doit affronter un obstacle de taille car la petite-fille de Marcelle Pichon lui envoie un courriel lui interdisant fermement d'écrire sur sa grand-mère. Mais qui peut lui interdire de parler de la réalité ? L'auteur recherche dans les archives de la Ville de Paris, remonte ainsi la généalogie et remarque que la faim fait partie de l'histoire de Marcelle, née en 1921. Si elle s'est mariée en 1940, elle a, comme la plupart des Français subi le froid et la faim durant la Seconde guerre mondiale.
/image%2F3417118%2F20221014%2Fob_164423_20220924-185424.jpg)
Enfin, il faut reconnaître que la mémoire ne retient que les drames, qu'il n'y a jamais d'archives sur la joie, le bonheur car le pouvoir a besoin de tristesse, de catastrophes. Alors, il ne nous reste plus qu'à nous plonger dans la lecture de ce roman-fleuve, témoin d'une époque et d'une vie.
Lola Lafon : Quand tu écouteras cette chanson.
Quelle courageuse initiative a eu Lola Lafon de choisir le musée consacré à Anne Franck, dans le cadre de la collection "Ma nuit au musée" (Grasset) !
/image%2F3417118%2F20221014%2Fob_bc0d6c_20220924-165510.jpg)
Elle nous confie qu'elle tourne autour de cette histoire depuis bien longtemps. Sa rencontre avec une femme de 96 ans, l'avant-dernière personne ayant connu Anne Franck a été une chance pour Lola Lafon qui a voulu aller plus loin que ce que tout le monde croit connaître à propos de cette jeune fille.
/image%2F3417118%2F20221014%2Fob_fb7868_title-1654951542.jpg)
Le Journal d'Anne Franck est le plus lu dans le monde mais il a été coupé, transformé. Aussi, Lola Lafon a essayé de comprendre cette vie suspendue alors qu'Anne Franck n'a que 13 ans quand elle se réfugie dans l'Annexe et qu'elle va mourir à Bergen-Belsen.
Lola Lafon a compté ses pas dans cette annexe, allant d'une pièce à l'autre mais, pour elle, impossible d'aller dans la chambre d'Anne Franck.
Ce qu'Anne Franck a écrit, n'est pas un journal car elle a tout réécrit. Or, aucune quatrième de couverture ne mentionne cela alors que ce "journal" est l’œuvre d'une écrivaine.
Le travail de Lola Lafon est important et nécessaire pour rétablir la vérité sur un destin jugé trop sombre à Hollywood ou à Broadway pour une pièce de théâtre et qu'on a coupé aussi parce que trop juif...
Cloé Korman : Les presque soeurs.
Après Lola Lafon ou plutôt en alternance, Régis Penalva présente Cloé Korman qui publie Les presque sœurs (Seuil), une histoire de famille que l'autrice a mis dix ans à appréhender.
Elle raconte l'histoire de ses petites-cousines, un destin marqué par la déportation et l'incompréhension familiale. Forcément, ressort le processus de la déportation qui voit des gens enlever d'autres gens pour les déporter et les faire mourir, loin... Or, c'est l'État français qui a mis en place ces déportations.
Yannick Haenel : Le Trésorier-payeur.
Pour terminer cette journée de samedi riche en découvertes, nous étions impatients d'écouter Yannick Haenel que nous lisons chaque semaine dans Charlie Hebdo. Aux Correspondances de Manosque, il nous parle de son dernier livre, Le Trésorier-payeur (Gallimard).
Quand Yann Nicol lui donne la parole, Yannick Haenel précise d'entrée que Le Trésorier-payeur est un roman d'apprentissage. Dans une ancienne succursale de la Banque de France, à Béthune, à l'occasion d'une exposition dédiée à Georges Bataille, l'auteur apprend qu'un tunnel avait été creusé pour relier la banque à la maison du trésorier-payeur, une maison en briques abandonnée.
Aussitôt, Yannick Haenel imagine un banquier anarchiste, major de la Banque de France, qui découvre la charité, donne sans réticence. Il constate alors que l'argent ne vaut rien et que l'on est plus riche si l'on donne. Au passage, Yannick Haenel précise qu'à Béthune existe le plus grand Emmaüs de France.
Amoureux d'Annabelle, la libraire de Béthune découvre que la véritable richesse est sexuelle et se dépense sans compter... C'est la meilleure façon de démythifier cet argent qui nous asservit mais qui est indispensable, hélas.