Lancement du prix littéraire des adolescents du département des Alpes de Haute-Provence.
Il n'y a pas plus belle façon de débuter cette nouvelle journée des Correspondances de Manosqueque la rencontre avec Yamen Manaï, rencontre permise par Dominique Sudre que nous remercions bien sincèrement.
Cet écrivain tunisien de grand talent, devant de nombreux lycéens attentifs, plus un public de fidèles, a lancé un vendredi au programme très appétissant. J'ajoute que son intervention était traduite en langage des signes.
Yamen Manaï nous a parlé de son petit bijou :Bel abîme,un roman extraordinaire de force et de justesse que nous avons beaucoup apprécié.
Présenté par Yann Nicol, Yamen Manaï a su parler, sans le déflorer, de ce roman récompensé par le Prix Orange du Livre en Afrique et publié parElyzad, maison d'édition créée à Tunis en 2005, membre de l'Alliance internationale des éditeurs indépendants.
Dans Bel abîme, Yamen Manaï donne la parole à un ado, en garde à vue, qui exprime toute sa colère et son dégoût face à un avocat nommé Bakouche, nom qui se traduit par muet, et un psychologue qui s'appelle Latrache (sourd) !!!
C'est un monologue impressionnant de franchise et de douleur. Ce jeune tunisien dont on ne connaîtra pas le nom, manie remarquablement l'ironie et l'impertinence. C'est un jeu narratif au débit intense, révélateur de l'impatience de la jeunesse.
Bel abîme permet de réaliser ce qui se passe en Tunisie après les espoirs fous amenés par la révolution.
Yamen Manaï, voyant des députés se taper dessus a décidé de raconter cette histoire.
Auteur d'une simplicité et d'un abord très agréable, Yamen Manaï a captivé son jeune public. Ils étaient nombreux à l'écouter et à prendre des notes. Gageons que Bel abîme sera lu par beaucoup car ce roman est d'une force incroyable.
Alain Mabanckou :Le commerce des allongés.
Présenté par Élodie Karaki,Alain Mabanckou, fidèle aux Correspondances de Manosque, n'a pas son pareil pour dérider son public avec son humour et ses réparties.
Avec Le commerce des allongés (Seuil), il nous a plongés dans cette sorcellerie toujours présente dans son pays, le Congo.
Le commerce des allongés concerne, bien sûr, les cimetières, celui des riches et celui des pauvres.
Le rapport entre le pouvoir et les traditions est encore bien d'actualité et, comme il nous l'a avoué : " Je pensais écrire sur la mort et j'ai écrit sur la vie ".
Alain Mabanckou note que le lecteur prend la nationalité de celui qui écrit et que la sorcellerie est le côté rigolo du cartésianisme.
À Pointe-Noire, les riches ont voulu créer une réplique du Père-Lachaise. Alors, les pauvres ont aussitôt nommé leur cimetière : Frère-Lachaise...
Comme dans la vie, la discrimination sociale se poursuit après la mort...
Lionel Duroy :Disparaître.
Toujours aussi émouvant, poussant au plus loin notre réflexion sur cette mort inéluctable, Lionel Duroy a partagé son ressenti avec Disparaître(Mialet-Barrault) répondant aux questions de Yann Nicol.
Si la famille de l'auteur est encore bien présente dans ce roman, il est aussi et surtout un voyage géographique, à vélo, jusqu'à Stalingrad, nom conservé en mémoire des deux millions de vies sacrifiées au cours d’une bataille décisive de la seconde guerre mondiale.
Lionel Duroy(Eugénia et L'homme qui tremble) nous a impressionnés en évoquant ses nombreux voyages pour tenter de comprendre le monde et les humains.
Augustin, comme l'auteur nomme son personnage, veut rouler vers l'est jusqu'à mourir d'épuisement.
Augustin vient d'avoir 70 ans et il estime avoir encore assez de forces pour aller loin et Disparaître. Après un au revoir à ses enfants qui n'en ont rien à faire, il enfourche son lourd vélo de randonnée et il part.
Heureusement, Lionel Duroy n'a pas disparu et il est revenu de son voyage pour écrire Disparaître, à lire avant de quitter ce monde...
Monica Sabolo :La vie clandestine.
Dans son septième livre, La vie clandestine(Gallimard), Monica Sabolo cherche à comprendre les motivations des membres d'Action directe, mouvement anarchiste des années 1980.
En même temps, elle évoque son histoire personnelle et les traumatismes qu'elle a subis.
Malgré les difficultés inhérentes à ce genre de confidences, Sophie Joubert a bien mené le débat avec des questions pertinentes.
Silence, violence, secret, pardon sont les maîtres mots de ce roman. Dans son enquête sur Action directe, elle se demande comment vivre après avoir tué un homme. Quand elle rencontre Nathalie Ménigon impliquée dans l'assassinat de Georges Besse, celle-ci exige que Monica Sabolo ne prenne aucune note. Sa sensibilité est à vif mais elle ne renie rien.
Très vite, Monica Sabolo parle de sa vie, de l'impression de chasser une bête qui, subitement, se trouve derrière elle. La question du pardon se pose alors...
Thomas Fersen, concert littéraire : Une vie de saltimbanque.
Sa voix enchante dès qu'il apparaît sur la scène du Théâtre Jean-le-Bleu. La grande salle est comble et le public ne tarde pas à entrer dans le jeu de l'artiste qui débute en parlant, toujours avec cet humour décalé qui fait son charme.
Deux musiciennes (accordéon et violon) et un musicien (guitare) l'accompagnent et semblent prendre un immense plaisir, comme le public d'ailleurs.
Quant à Thomas Fersen, dès qu'il termine un monologue, il s'empare du ukulélé qui patientait à ses pieds et entame ses chansons, celles qui ont marqué sa carrière qu'il poursuit, pour notre plus grand plaisir. Avec son petit chapeau qu'il ne quitte que rarement, il fait défiler sa vie, enfin, surtout les premières années.
De temps à autre, il pose son instrument favori et reprend un texte parlé, enchantant le public par sa façon de se mouvoir sur scène. Thomas Fersen qui a déjà une belle carrière derrière lui, nous a promis, à la fin de son concert, qu'un roman à paraître début 2023, retracerait son parcours. Nous y retrouverons les textes entendus ce soir avec, toujours, cet humour, cette nonchalance, ce non-conformisme qui font tout son charme.
Ce n'est pas pour rien que le public l'acclamait debout pour en réclamer encore et encore...