MATZ, Jörg MAILLIET et Sandra DESMAZIÈRES : La disparition de Josef Mengele

La disparition de Josef Mengele. 

BD par MATZ (scénario), Jörg MAILLIET (dessin) et Sandra DESMAZIÈRES (couleur).

D’après l’œuvre de : Olivier GUEZ.

Les Arènes BD (2022) 189 pages.

 

 

J’avais particulièrement apprécié La disparition de Josef Mengele, le roman d’Olivier Guezlauréat du Renaudot en 2017, et avais une petite appréhension à découvrir le roman graphique éponyme, son adaptation en BD par le tandem Matz et Jörg Mailliet. Verdict : une magnifique réussite !

 

 

 

Je ne peux résister tout d’abord à vous soumettre l’épigraphe du poète polonais Czeslaw Milosz, on ne peut plus évocatrice de celui qui fut surnommé par ses victimes « L’ange de la mort » et qui n’a jamais été jugé pour ses actes :

 

 

 

« Toi qui as fait tant de mal à un homme simple

En éclatant de rire à la vue de sa souffrance

Ne te crois pas seul

Car le poète se souvient. »

 

 

La disparition de Josef Mengele met en scène, à la fin de la seconde Guerre Mondiale, la fuite en Amérique du Sud et la traque du médecin tortionnaire d’Auschwitz.

 

 

22 juin 1949. Les premières planches, très sombres, montrent l’arrivée d’un navire, le North King dans le port de Buenos Aires, par un temps maussade et pluvieux. Sur le pont des silhouettes, sur lesquelles Jörg Mailliet le dessinateur zoome, faisant apparaître en deux temps l’une d’elle, celle d’un homme à l’allure martiale, petite moustache, sourcils froncés, cravate noire et gabardine beige, scrutant la ville.

 

 

Comme de nombreux criminels de guerre nazis, Josef Mengele a fui l’Allemagne défaite, changé d’identité et trouvé refuge dans l’Argentine de Perón.

 

 

 

Le titulaire de deux doctorats en anthropologie et en médecine, lui, qui officiait au camp d'Auschwitz-Birkenau, attendait  l’arrivée des trains de déportés pour choisir des sujets pour ses expériences sordides, continue à être arrogant, restant convaincu, tout comme les nombreux autres anciens hauts dignitaires du régime fondé par Hitler de la grandeur de leurs actes et fidèles à leur idéologie.

 

 

 

Fort de ces appuis, Mengele, alias Helmut Gregor, mène grand train avec ses compatriotes dont Adolf Eichmann, dans ce Buenos AiresPerón, ce président qui voue un culte à l’Allemagne, les protège, croyant que les anciens fascistes et nazis européens pourront l’aider à éradiquer le communisme athée et à faire de l’Argentine une superpuissance.

 

Tous pensent à un retour triomphal et qu’un IVe Reich est à portée de main.

 

Perón renversé, se sentant traqué, Mengele doit partir au Paraguay puis, après l’enlèvement d’Eichmann  par le Mossad, pour le Brésil, toujours soutenu financièrement par sa famille.

 

Matz (photo ci-dessous) le scénariste et Jörg Mailliet jonglent avec des allers-retours entre le passé et le présent, la coloriste Sandra Desmazières jouant avec les couleurs, noir et gris pour le passé, les horreurs des camps, et des nuances d’ocre pour le présent, des teintes toujours assez sombres pour évoquer la vie, la cavale et la déchéance de cet homme abominable.

 

 

Les deux parties de l’album ont des titres très explicites : Le pacha pour la première et Le rat pour la seconde, les deux vies qu’il a menées après sa fuite.

 

 

J’ai été absolument outrée, révoltée, aucun adjectif n’est assez fort pour crier mon indignation devant cette vie de fêtes incessantes qu’a mené à Buenos Aires cet ignominieux personnage qui envisageait même un retour glorieux.

 

 

La seconde partie dans laquelle cet homme haïssable se retrouve seul, traqué, devant se cacher, devenu paranoïaque permet de se réjouir un peu, la peur ayant changé de côté, et d’y trouver une forme de justice, justice qu’il redoutait par-dessus tout mais qu’il n’aura malheureusement pas à affronter.

 

Photo ci-dessous : Jörg Mailliet.

Il est particulièrement difficile d’imaginer que ce monstre n’ait pas eu à répondre de ses crimes mais il est tout aussi stupéfiant, incroyable et inconcevable que la plupart des trois cent cinquante professeurs d’université qui ont participé au programme T4 d’euthanasie aient retrouvé leur famille et repris leur carrière…

 

 

Que ce soient les dialogues de Matz en parfaite adéquation avec le roman d’Olivier Guez, les dessins de Jörg Mailliet aux traits très réalistes ou la colorisation à l’aquarelle de Sandra Desmazières, tout concourt à rendre cet album captivant comme un thriller et instructif au plus haut point.

 

La préface enthousiaste d’Olivier Guez en est un  bel éloge à elle seule.

 

À l’heure où l’on sent à nouveau des relents antisémites et où l’extrême-droite est en pleine ascension, il est impératif de lire un tel album pour ne pas oublier et qu’on ne voit PLUS JAMAIS ÇA !

 

Un grand merci à Vincent pour m’avoir donné l’opportunité de lire cette BD !

 

Ghislaine

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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D
J'avais aimé le roman d'Olivier Guez, j'avoue que j'étais persuadée qu'il avait été arrêté en Amérique du Sud du coup ça m'avait bien remis les idées en place sur l'aspect historique <br /> tu me donnes envie de découvrir la bd que j'avais aussi repérée !<br /> <br /> Merci pour ta chronique
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D
La BD est vraiment à la hauteur du roman : superbe !
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