Monique Étienne : Chute la vie
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Chute la vie par Monique Etienne.
Vérone éditions (2022) 171 pages.
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Dans Chute la vie, Monique Étienne réalise deux prouesses : suivre l’évolution d’une terrible maladie, le SIDA (Syndrome d’immunodéficience acquise), dont Roland est atteint et permettre à son lecteur de vivre ou de revivre toutes ces années de lutte et d’espoirs qui ont suivi mai 1968.
Après Le journal d’Anna, toujours grâce à Daniel Berthet que je remercie chaleureusement, me voici plongé dans une lecture d’un roman dont chaque période est datée. Le livre débute en juillet 1989 et je me retrouve en plein drame avec Gabrielle (38 ans) qui a choisi d’aider son ami Roland, très malade. Je suis dans cette ferme des Charmes qui a accueilli ce que les principaux personnages de Chute la vie nomment leur Communauté.
Je ne ferai pas le détail des membres de ce groupe d’amis car leur présence est fluctuante et change, se complète, diminue, augmente, selon les aléas de la vie. Rencontres, amours, fâcheries rythment ces années que Monique Étienne déroulera ensuite.
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Avant d’aller plus loin, je ne dois pas oublier de citer Violette, la mère de Roland, une femme admirable, courageuse et toujours présente pour son fils.
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Deux ans après le début de la première partie intitulée « L’annonce », la santé de Roland se dégrade de plus en plus et il faut l’hospitaliser à Paris, arracher ce fils de paysan homosexuel à la ferme familiale.
Le récit n’est pas linéaire. Monique Étienne a fait le choix d’aller et venir d’une période à l’autre. 1968 est l’année fondatrice pour l’évolution de ces jeunes gens. Gabrielle a eu dix-huit ans cette année-là, comme un autre que je connais bien…
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Photo ci-dessus : Mai 1968.
Si la guerre d’Algérie est terminée depuis quelques années, les ravages causés par les attentats perpétrés par l’OAS sont toujours présents dans les mémoires, d’autant plus que la guerre du Vietnam ne permet pas d’effacer une tension internationale toujours inquiétante. En 2022, hélas, la folie humaine continue à faire des ravages.
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Après mai 68, le Larzac (photo ci-dessus) est une autre lutte fondatrice car il s’agit d’empêcher l’extension d’un camp militaire : « Des moutons, pas des camions ! De gré (Debré...), de force, nous garderons le Larzac ! », chantions-nous à l’époque. On lutte contre le nucléaire, on se retrouve dans la Bergerie de La Blaquière, sur le plateau du Larzac et Graeme Allwright (photo ci-dessous) reprend « Suzanne » de Leonard Cohen… Que de souvenirs !
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L’histoire des Charmes permet de comprendre toutes ces amitiés, ces amours aussi qui se sont noués, parfois défaits. Les va-et-vient entre Les Charmes et Paris sont nombreux. Tous ces jeunes se déplacent beaucoup. Roland assume son homosexualité, drague aux Tuileries, fait des rencontres fugaces ou durables.
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Photo ci-dessus : La Ferme de La Blaquière.
Monique Étienne (photo ci-dessous) soigne son écriture. Chute la vie est un livre agréable à lire mais l’émotion et la sensualité qu’il dégage sont très fortes. Ce que l’autrice écrit doit faire écho à beaucoup d’événements qu’elle a vécus comme l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand, en 1981, qui aurait dû changer nos vies mais le rêve a été vite brisé.
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« L’aquarium » me ramène, en décembre 1991, à ce terrible SIDA causé par le VIH (Virus de l’immunodéficience humaine). Il s’agit de la chambre où Roland tente de résister, de lutter, vivant son terrible calvaire. À trente-neuf ans, il est déjà « un vieillard, rongé de fièvre, aveugle et épuisé ». Comme aujourd’hui, le manque de moyens de nos hôpitaux est terrible.
Avant « L’épilogue », je lis des lettres posthumes d’une émotion folle. Roland a écrit à Gabrielle plusieurs fois, mais aussi à Patrick et à Luc qui furent ses amants, ainsi qu’à tous ses précieux amis.
Cette fin du livre est d’une profonde humanité. En le refermant, je ne peux que remercier Monique Étienne pour m’avoir fait revivre toutes ces années pas si lointaines. Elle a su aussi mettre l’accent sur cette maladie un peu oubliée alors qu’elle a fait tant de ravages dans la jeunesse. Si elle se soigne aujourd’hui, ce n’est pas une raison pour effacer les victimes qu’elle a causées.
Chute la vie a le mérite de raviver nos mémoires mais aussi d’apprendre aux plus jeunes des événements importants, au travers d’une histoire d’amitié et d’amours partagés dans la communauté des Charmes.
Malgré la maladie, la joie et le bonheur d’être ensemble laissent le meilleur des souvenirs.
Jean-Paul