Monique Étienne : Chute la vie
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Chute la vie par Monique Etienne.
Vérone éditions (2022) 171 pages.
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Dans Chute la vie, Monique Etienne nous livre un deuxième roman marqué par les oppositions.
Elle nous conte cette vie bouillonnante, cette folle envie de liberté que vit un groupe d’amis jusqu’à ce que l’un d’eux, Roland, atteint du Sida se trouve confronté au spectre de la mort.
De même, c’est dans un récit intimiste que nous embarque l’auteure, en nous faisant cheminer dans les pensées de Gabrielle, l’amie féministe de Roland et ce, en nous faisant revivre de façon palpitante, cette génération d’après 1968.
Le roman débute en juillet 1989. Le verdict est tombé : Roland vient d’apprendre qu’il a le VIH, et « il sait pertinemment que personne ne survit à ce virus terrifiant qui, en ces années tragiques, décime déjà tant d’amis ». Il n’a pas quarante ans.
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À l’annonce du résultat, il appelle Gabrielle, la première à qui il avait avoué son homosexualité. Elle lui promet qu’elle va se rendre aux Charmes, dans les Charentes, avec les copains, pour se retrouver comme autrefois et se serrer les coudes. La fidélité de cette amitié le rassure et lui donne de la force. Le noyau dur de la communauté des Charmes va donc se retrouver au chevet de Roland.
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On apprend comment Roland, né à la ferme en 1952, découvre son homosexualité, le choc que fut cette révélation, l’enfer de la solitude morale qu’il connaît ensuite, et comment il se forge une identité par le rejet. Nous découvrons ensuite le récit de ses transgressions et le cheminement vers son émancipation, une histoire qui s’inscrit dans le parcours souvent douloureux des homosexuels. Il va devoir se battre pour exister, pour conquérir une dignité auprès d’une société pour laquelle les homosexuels sont alors, encore des proscrits, et encore davantage dans un milieu rural conservateur.
L’auteure essaie de transcrire avec beaucoup de délicatesse la souffrance et la lente dégradation du corps de Roland tout en montrant sa volonté ferme de ne jamais perdre le contrôle jusqu'à sa mort annoncée.
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Cette restitution du vécu de Roland rappelle comment avant 1996, le sida était une maladie tragique constamment mortelle, transmise par le sexe et par le sang, posant une chape de plomb, de mort et d’angoisse sur une jeunesse vulnérable et mobilisant des soignants dévoués, souvent épuisés, parfois découragés, et toujours impuissants.
Liée à l’histoire de Roland, c’est aussi celle de Gabrielle, libertaire, sa seule amante, sa confidente, celle de leur amitié passionnelle que Monique Etienne raconte. Au travers de leur amitié, c’est le portrait de toute une génération, celle d’après 1968, et de son combat pour la libération sexuelle, que l’auteure brosse avec enthousiasme.
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C’est sans doute parce que Gabrielle est plus ou moins un double de l’auteure que le militantisme de celle-ci est aussi bien décrit et la période aussi brillamment rendue. Il faut dire que Gabrielle, fervente féministe, marxiste engagée, milite activement, rejoint entre autres le MLAC, Mouvement pour la libération de l’avortement et de la contraception, noue des contacts avec les Paysans travailleurs, participe à de nombreuses actions subversives. C’est le début de l’implantation des centrales nucléaires et pour celle devant être implantée à Blayais, par exemple, EDF n’hésite pas à préempter les terres des paysans. L’apothéose de l’année 1973 restera cependant le grand rassemblement du Larzac !
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Gabrielle et la bande d’amis épris de liberté qui ont mené cette vie trépidante marquée par d’intenses moments d’exaltation vont faire corps avec Roland pour l’accompagner dans cette ultime épreuve, désireux d’alléger sa souffrance.
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Ce petit bouquin m’a permis de retrouver avec plaisir et parfois avec nostalgie cette période de l’Histoire, cette aspiration à une libération, à un monde meilleur et de revivre avec émotion certaines luttes.
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J’ai un peu moins apprécié et me suis parfois lassée et un peu perdue dans les multiples voyages faits par Gabrielle et ses amis entre Paris, La Rochelle, Bordeaux avec un retour dans les Charentes les week-end, l’empreinte carbone n’était pas encore d’actualité.
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Si j’ai fortement apprécié cet engagement militant absolument nécessaire si l’on veut que les choses évoluent, c’est avant tout l’amitié, la solidarité, la tendresse, la chaleur, le soutien, la compassion dont vont faire preuve ce groupe d’amis et notamment de Gabrielle, envers Roland, qui m’ont profondément émue.
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Mais ce sont aussi les souffrances qu’a endurées Roland, morales dans un premier temps, devant refouler son homosexualité, doublées ensuite de souffrances physiques lorsqu’il est contaminé par le virus. Violette, sa maman a été exemplaire. Disponible et dévouée à son fils comme aux autres, elle m’a beaucoup touchée par sa simplicité et sa discrétion.
Je remercie Daniel Berthet qui, en m’offrant Chute la vie, m’a permis de me replonger avec délice dans le frénétisme de ces années 70 avec tout l’espoir qu’elles engendraient, tout en revivant avec effroi l’arrivée de ce terrible fléau, qu‘est le Sida.
Ghislaine