Christophe Ono-dit-Biot : Trouver refuge
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Trouver refuge par Christophe Ono-dit-Biot.
Gallimard (2022) 410 pages.
Trouver refuge est un roman étonnant qui m’a beaucoup appris mais qui a su aussi me captiver, m’intriguer, me passionner de plus en plus grâce à l’écriture fine et subtile de Christophe Ono-dit-Biot, écrivain confirmé que je découvre enfin !
Voilà encore un auteur rencontré lors des Correspondances de Manosque 2022. Je l’avais écouté attentivement parler de son dernier roman, Trouver refuge, et cela avait motivé ma curiosité pour le lire.
Malgré tout, le caractère religieux de son récit avec les monastères orthodoxes du Mont Athos freinaient un peu mon élan. Enfin, je me suis lancé dans la lecture de Trouver refuge, un livre faisant partie de la sélection pour le Prix des Lecteurs des 2 Rives.
Tout commence par une première partie assez courte qui est suivie par un décompte de plus en plus stressant : les six jours intenses vécus par Sacha, Mina et Irène, leur fille.
Je fais connaissance d’abord avec les parents qui ont la cinquantaine. Nous sommes en 2027 et ils se sont réfugiés dans une maison grecque, inhabitée, prêtée par un professeur d’Athènes, ami de Mina qui est elle-même enseignante en histoire à l’université, à Paris. Elle est spécialiste de l’époque byzantine et de la Renaissance.
Ils ont fui la France pour s’approcher de la Sainte-Montagne, ce territoire interdit aux femmes et aux enfants où des hommes vénèrent une femme et son fils… Même si ce n’est pas une île, le site est accessible seulement par la mer.
Le climat politique et social de notre pays est déjà très engagé vers une dictature qui ne dit pas son nom mais lutte pour une Europe chrétienne, rejetant tout apport extérieur tout en faisant une chasse impitoyable à la culture.
À Ouranopolis, Mina et Sacha, toujours très amoureux, sont à une trentaine de kilomètres du Mont Athos et de ces vingt monastères. Sacha veut y conduire Mina après avoir obtenu une dérogation pour Irène qui se fera passer pour un garçon. Mina devait faire croire difficilement être un homme mais, subitement, elle disparaît.
Photo ci-dessus : Dochiario.
Un retour en arrière m’apprend les raisons de cette fuite subite. Sacha et le Président de la République que tout le monde appelle affectueusement Papa, ont été très amis lorsqu’ils étaient étudiants. Ils étaient passionnés de voyages, d’enquêtes, de beauté, de liberté et d’ouverture à l’autre. Hélas, l’un d’eux a complètement changé mais Sacha recèle un secret qui rend aussitôt ma lecture très addictive.
Photo ci-dessus : Stavronikita.
Sacha, philosophe et écrivain, intervenait trois fois par semaine à la télévision donnant aussi un coup de main pour l’écriture de séries. Or, un jour, en direct, face à un ministre, il a lâché : « Papa n’a pas toujours été comme ça… » Ce dérapage fatal enclenchant menaces et intimidations de plus en plus inquiétantes a motivé leur fuite au Mont Athos où Sacha était déjà venu trente ans auparavant.
Photo ci-dessus : Karakallou.
Débute alors le fameux décompte des six jours qui peuvent mener à la catastrophe comme au salut. C’est l’occasion pour Christophe Ono-dit-Biot d’offrir une intéressante découverte de quelques monastères en partant de Karyès, la capitale de la Saint-Montagne : Dochiariou, Xenofontos, Agios Panteleimon, Karakallou, Stavronkita et Esphigmenou, refuge des ultra-orthodoxes qui ont fait sécession.
Photo ci-dessus : Esphigmenou.
Alors, j’ai suivi Sacha et Irène, pardon, Irénée, qui m’ont permis d’apprendre beaucoup sur la vie dans ces lieux consacrés à la religion où chacun peut venir se retirer pour un temps plus ou moins long. Byzance, l’Antiquité, les décryptages de mots grecs rencontrés dans notre vocabulaire, plus d’autres intéressants développements m’emmènent même en Égypte…
Trouver refuge fut donc un excellent moment de lecture, un refuge hors du temps mais un livre aussi très actuel dont les événements m’ont ramené à l’évolution très inquiétante de nos démocraties. Dans ce domaine, Christophe Ono-dit-Biot excelle aussi à passionner et à faire réfléchir son lecteur.
Jean-Paul