Dany Héricourt : Ada et Graff
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Ada et Graff par Dany Héricourt.
Liana Lévi (2022) 285 pages.
Ada et Graff, deux êtres blessés, dont la vie est pour ainsi dire à l’arrêt, dont l’horizon semble barré vont se croiser de façon tout à fait inattendue et cette rencontre pourrait bien leur permettre de se remettre en route.
Ada, cette belle dame bientôt septuagénaire habite La Roque, un petit village cévenol près du Puy-en-Velay depuis une quarantaine d’années. Confrontée dans sa jeunesse à la perte de son frère lors d’un glissement de terril au Pays de Galles puis au décès de sa mère inconsolable, elle a accepté la demande en mariage de Guy Deletang, médecin, non pas tant par passion mais pour fuir cette terre natale meurtrière. Désormais veuve, elle attend chaque jour un signe de sa fille Becca. Cela fait presque dix ans qu’elle attend que celle-ci accepte de se soustraire à l'emprise des Simples, une communauté d'illuminés.
Quant à Graff, ce vieil homme, bras et jambe dans le plâtre, il vient d’être contraint de quitter sa famille de cirque en pleine tournée, après une chute. Son voyage risque de s’arrêter là, sur ce terrain vague au fond du jardin d’Ada, près de la rivière, dans cette caravane où il n’attend plus que la mort… Difficile en effet de se retrouver immobile quand on a été nomade toute sa vie…
La vieille dame anglaise et l’ancien funambule tzigane, ces deux êtres un peu décalés qui ne sont plus tout jeunes et qui ont traversé maintes épreuves, comme reliés par un fil, vont alors peu à peu apprendre à se regarder, à s’apprivoiser, finir par se confier et s’aimer. Ils vont ainsi, très délicatement tisser une relation particulièrement belle et lumineuse tout en gardant leur indépendance et leur liberté.
Leur désir ose s’exprimer au grand jour et ils ont gardé la faculté d’apprécier ces instants de vie intense carrément inattendus.
Mais tous ne voient pas cette aventure d’un bon œil, et les à priori, l’ostracisme et la rumeur pourraient les emporter loin.
Cette résurrection que vivent Ada et Graff est mêlée à la vie que mène la fille d’Ada, Becca, au cœur de cette secte les Simples.
Passé et présent interfèrent entre Pays de Galles, Europe de l’Est et Massif Central.
Cette magnifique histoire d’amour m’a permis avec le personnage d’Ada, de réviser l’importance qu’avait l’exploitation minière au Pays de Galles avec en corollaire ces terribles accidents dont le drame d’Aberfan en 1966.
Par l’intermédiaire de Graff, c’est toute la tragédie vécue par les Roms durant la Seconde Guerre Mondiale, les camps d’internement en France et les camps de concentration roumains, puis la haine de leur culture et leur difficulté à vivre ensuite dans les pays du Bloc de l’est que Dany Héricourt s’attache à nous faire ressentir. N’est pas oubliée l’aide apportée par certaines familles qui se sont attachées à sauver des personnes juives menacées de déportation vers les camps de concentration.
J’ai aimé ces personnages attachants et j’ai d’autant plus apprécié ce roman sensible et grave mais plein de grâce, de légèreté, de poésie et aussi de suspense qu’il se déroule quasiment dans ma région. Et si j’ai apprécié tout au long du roman les expressions en anglais, en rom, en roumain qui donnent encore plus de vérité au récit, ce que j’ai le plus savouré évidemment c’est le « gaga », ce parler de la région stéphanoise !
Ghislaine