Houria Abdelouaed : Face à la destruction (Psychanalyse en temps de guerre)

Face à la destruction   par  Houria Abdelouaed.

Psychanalyse en temps de guerre.

des femmes-Antoinette-Fouque (2022) 155 pages.

 

 

Comment et surtout pourquoi un espoir fou de liberté et d’émancipation de régimes totalitaires, espoir né en 2011, a pu dégénérer en une atroce destruction, en un retour en arrière inimaginable de plusieurs siècles ?

 

 

Houria Abdelouaed, professeure à la Sorbonne-Paris Nord, psychanalyste et traductrice, a tenté de faire le bilan de ce désastre dans Face à la destruction, ouvrage sous-titré Psychanalyse en temps de guerre.

 

 

Son travail d’analyste lui a permis de rencontrer et d’écouter de nombreux réfugiés, femmes, hommes, enfants. Elle a dégagé de ces entretiens de terribles leçons. Cette Syrie, pays non démocratique, où elle allait travailler avec des psychanalystes, était un pays où l’on pouvait vivre heureux. Or, ses patients ont fui « un pays ravagé par la guerre qui extermine, foudroie, ravage, brûle, engloutit et dévore aussi bien l’humain que la civilisation. Les patients racontent la destruction de quartiers que l’analyste connaît et qu’ils chérissent ensemble. Les patients parlent du désastre et de l’horreur. Une horreur qui glace le corps et la pensée. »

 

 

 

À partir d’un tel constat, Houria Abdelouaed commence à décortiquer le processus qui s’est développé à partir du retour de concepts religieux moyenâgeux. Le mouvement salafiste et le djihad mêlent politique et religion afin de pouvoir commettre les pires exactions dont les femmes et les enfants sont les premières victimes.

 

 

Bien sûr, le passé colonial du Moyen-Orient et de l’Afrique n’est pas négligeable car il est souvent la cause et la conséquence de ces extrémismes. La blessure narcissique causée par l’exploitation sans limites des ressources de ces pays est difficilement effaçable.

 

 

Quand les révolutions arabes ont été lancées, le pire est advenu dans un autre pays déjà bien malmené : « C’est ainsi que ceux que l’Occident a nommé « les authentiques combattants de la liberté » ont fait revenir l’Afghanistan au Moyen-Âge : le sort des femmes y est parmi le plus triste de la planète, application stricte de la charia, écoles interdites aux filles, flagellation sur les places publiques, lapidations, bombes et assassinats n’importe où et n’importe quand… »

 

 

Si le constat est clair, sans ambigüité, en 2023, nous en sommes toujours au même point et cela empire encore.

 

 

Au début de son livre, l’autrice a défini la fitna, ce chaos qui a eu comme aboutissement Daesh. Ensuite, elle s’attache à détailler le phénomène de la radicalisation.

 

 

Lorsque débute la deuxième partie, je suis de plus en plus captivé par le travail de Houria Abdelouaed (photo ci-dessus) car elle entre dans le concret avec ce qu’elle a entendu au cours de ses rencontres. Comme elle l’a fait depuis le début, elle cite, entre autres, Hannah Arendt, Primo Levi, Gilles Kepel, Marc Trévidic, Sigmund Freud, Chantal Chawaf,  etc…

 

 

Dans son travail de psychanalyste, l’autrice commence à voir et à écouter le cri de ces réfugiés si mal traités lorsqu’ils parviennent dans notre pays. Quand ils tentent d’obtenir le statut de réfugié, on leur demande de raconter, on les pousse à replonger dans toutes les horreurs vécues, traumatismes insupportables et indélébiles.

 

 

À la différence de l’administration, l’analyste donne le droit au silence, laisse le patient parler s’il le veut, pleurer s’il en a besoin. L’analyste rend son visage d’humain à ce réfugié. De plus, Houria Abdelaoued le souligne : elle parle un mélange d’arabe littéraire, de dialecte syrien avec un accent marocain, ce qui donne confiance au patient.

 

 

Enfin, la conclusion de Face à la destruction (Psychanalyse en temps de guerre) - livre que j’ai pu lire grâce à Babelio et aux éditions des femmes-Antoinette-Fouque que je remercie – doit être lue et relue car ce bilan remet bien à sa place cet espoir fou qui a abouti à un désastre : « Avec amertume, l’enfant d’hier s’interroge aujourd’hui : est-ce pour ce chaos ? Est-ce pour ce désastre qu’il a donné sa vie ? »

 

Jean-Paul

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Voilà un livre vraiment intéressant qui doit permettre d'y voir plus clair ainsi vu du côté d'une psychanalyste. Cet éclairage est à lire je n'en doute pas un instant. Merci pour cette découverte
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