Marie-Hélène Lafon : Les Sources

Les Sources    par   Marie-Hélène Lafon.

 Buchet-Chastel (2023) 170 pages.

 

 

En une centaine de pages, quatre dates et trois chapitres, Marie-Hélène Lafon interroge la condition féminine en racontant la vie quotidienne d'une femme victime de violences conjugales.

 

 

Nous sommes en 1967, le samedi 10 juin précisément, dans une ferme isolée située dans la vallée de la Santoire. Trois enfants, Isabelle, Claire et Gilles respectivement âgés de 7, 5 et 3 ans y vivent avec leurs parents.

 

 

La famille  pourrait avoir une bonne vie dans cette ferme de 33 hectares, comptant 27 vaches. Ils possèdent un tracteur, une voiture, emploient un vacher, un commis et une bonne, des choses que peu d’agriculteurs possèdent dans cette France rurale des années 1960.

 

C’est la vie de la mère de famille que Marie-Hélène Lafon va s’attacher à décrire,  la vie de cette femme qui a été heureuse dans sa jeunesse auprès de ses parents agriculteurs et qui, depuis son mariage il va y avoir huit ans, subit les violences répétitives de son mari. Son corps brisé par les coups, abîmé par trois césariennes est saccagé, dévasté…

 

 

Tout se passe à huis-clos et par honte, elle tait et cache ce qu’elle subit. Seuls ceux qui travaillent pour eux et que le père paie savent, mais leur rang ne les autoriserait pas à parler.

 

 

Sa vie devient de plus en plus intenable mais quitter la ferme, divorcer est rarissime et quasi impensable à cette époque. Elle rumine, elle ressasse jusqu’à ce déjeuner dominical chez ses parents, ce dimanche 11 juin qui sera un jour de grande bascule.

 

 

La nécessité de sauver ses enfants pour qu’ils puissent vivre et exister hors la peur lui donne la force de s’ouvrir à sa mère, mère qui entendra ses propos.

« Elle dit que c’est fini, qu’elle ne remontera pas, plus jamais. »

 

 

Cessation de la violence et nous voilà au dimanche 19 mai 1974, jour de l’élection du président Valéry Giscard d'Estaing auprès du père qui dort seul depuis sept ans depuis ce 11 juin précisément juste après la guerre des six jours. Les dates il les a toutes dans la tête… Et il ressasse… ce qui le dérange c’est cette drôle d’époque qu’on vit depuis mai 1968, le monde chamboulé  avec « les femmes qui veulent prendre la place des hommes »…

 

Un jour de souvenirs et de questions.

 

Le roman se termine le jeudi 28 octobre 2021 avec le retour de Claire à la ferme ou plutôt dans la cour de la ferme avant le rendez-vous chez le notaire pour la vente de la maison, « la dernière étape, la dernière démarche, la dernière formalité ». Un retour à l’une des sources…

 

 

Inspiré librement de l’histoire de sa propre famille, Les Sources de Marie-Hélène Lafon (photo ci-dessus) s’avère un magnifique roman sur la condition féminine dans les années précédant mai 1968, récit ancré à nouveau dans ce Cantal que l’autrice connaît si bien. Elle restitue au plus juste la France rurale de ces années-là. Une nature belle, âpre, odorante et tactile.

 

 

Sans aucun voyeurisme ni aucun pathos, avec son style sobre, économe et tellement ciselé, elle parvient à décrire la souffrance aussi bien morale que physique éprouvée par cette femme qui vit avec la peur de son époux chevillée au ventre et qui parviendra malgré tous les impacts que cela aura forcément sur sa vie à le quitter.

 

Les Sources de Marie-Hélène Lafon est un roman d’une extrême concision mais d’une grande puissance qui ne peut laisser insensible !

Ghislaine

 

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M
Je ne l'ai pas encore lu mais je l'ai noté à sa sortie. J'ai voulu faire un break dans mes lectures sur la violence conjugale. C'est un auteur que j'ai découvert récemment avec "Histoire du fils" et je compte bien continuer à découvrir son oeuvre. Merci de nous en parler
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D
je l'ai vraiment beaucoup aimé, une telle concision pour dire autant de choses et parfois simplement en les suggérant.
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