Kaouther Adimi : Au vent mauvais

 Au vent mauvais   par  Kaouther Adimi.

Seuil (2022) 260 pages.

Prix du Roman des Étudiants France Culture - Télérama.

 Prix Montluc Résistance et Liberté 2023.

 

 

 

Au vent mauvais parle-t-il de ce vent venu du désert chargé de poussière rouge contenant des traces des essais nucléaires de la France ou bien fait-il allusion à tous ces événements dramatiques mettant en péril une indépendance durement acquise ? Kaouther Adimi (Nos Richesses et Les Petits de décembre) qui a des liens étroits avec l’Algérie laisse ses lecteurs choisir la bonne hypothèse à l’issue d’un livre remarquablement construit.

 

 

Dans un premier chapitre assez court, l’autrice présente un écrivain, Saïd B., qui vient de publier le premier roman en langue arabe, en Algérie. Ce livre a un succès populaire énorme. C’est pourquoi, son auteur qui travaille à la radio en journée, vient au-devant de ses lecteurs dans une librairie d’Alger. L’héroïne de ce roman dont la photo illustre la couverture, se nomme Leïla.
 

 

Dans ce livre, l’auteur raconte sa vie, celle de Tarek, son mari, là-bas dans leur village d’origine, El Zahra. Saïd et Tarek étaient les meilleurs amis pendant leur enfance mais Saïd est parti faire des études alors que Tarek a continué son travail de berger.

 

 

Il faut ajouter simplement que la parution de ce livre a bouleversé la vie de Leïla et Tarek qui ont dû fuir précipitamment leur village, avec leurs enfants, sous la pression menaçante des femmes.

 

Dès que j’ai terminé le livre, j’ai relu les premières pages car elles sont  essentielles pour la compréhension du roman dont la première grande partie est consacrée à Tarek, la seconde étant évidemment pour Leïla.

 

 

Avec ces deux destins, Kaouther Adimi, rencontrée lors des Correspondances de Manosque 2019, (photo ci-dessus) m’a fait vivre toutes ces années si importantes pour l’AlgérieTarek est né en 1922, fils d’une mère muette, son père étant décédé. C’est Safia, une femme du village qui a veillé sur lui.

 

Comme Leïla, Tarek grandit dans une Algérie colonisée par la France. C’est pourquoi, il est enrôlé dans l’armée française et doit aller combattre de l’autre côté de la Méditerranée. Un peu plus tôt, en 1938, Leïla (15 ans) a été mariée contre l’avis de Safia qui la recueille un peu plus tard, avec son bébé de trois mois. Elle avait quitté son mari, récoltant la réprobation de tout le village.

 

 

Avec précision, un souci honorable du détail, des chapitres courts et un déroulement palpitant, l’autrice permet de rappeler le sort de ces travailleurs algériens entassés dans des foyers Sonacotra (photo ci-dessous) insalubres. Confrontés au racisme, ils apportent leur force de travail indispensable à notre pays durant ces années d’après-guerre.

 

 

J’ai souffert avec Tarek, admiré son courage, espéré sans cesse un sort meilleur pour lui et sa famille restée là-bas, à El Zahra. Le mandat qu’il envoie régulièrement à Leïla lui permet de vivre et d’élever leurs enfants.

 

 

Dans Au vent mauvais, j’ai bien aimé les détails concernant le tournage de La Bataille d’Alger par Gillo Pontecorvo (photo ci-dessus), un film dans lequel Tarek se retrouve impliqué, un film qui, à Alger, des années plus tard, sera hué par des jeunes acquis aux thèses des islamistes !

 

 

 

 

La partie consacrée à Leïla apporte beaucoup d’explications, éclaire certains passages concernant Tarek. Le traumatisme subi lors de la parution du livre de Saïd B. poursuit Leïla pendant des années. Là, l’autrice pose des questions essentielles à propos du travail de l’écrivain lorsque celui-ci écrit sur la vie de gens bien réels.

 

 

 

Il faut le profond amour la liant à Tarek pour lui permettre enfin de surmonter cela. Les figues de Barbarie retrouvées plus tard leur donneront encore un peu de bonheur.

 

 

 

C’est dans cette partie que la situation politique en Algérie bascule une fois de plus dans le drame avec attentats, assassinats, extrémisme religieux jusqu’au-boutiste.

 

Photo ci-dessus :

Mohamed Boudiaf,

Chef d'État algérien, assassiné le 19 juin 1992, après 5 mois et 13 jours au pouvoir.

 

J’ai vraiment aimé lire Au vent mauvais, roman faisant partie de la sélection pour le Prix des Lecteurs des 2 Rives, un livre qui m’a plongé au plus près de la réalité d’un pays qui a traversé des périodes très difficiles pas vraiment terminées d’ailleurs.

 

 

Mon émotion est montée encore d’un cran lorsque Kaouther Adimi a révélé un élément fondamental pour l’écriture de son livre, élément que je vous laisse le soin de découvrir.

 

Jean-Paul

 

 

 

 

 


 [J1]

 

 

 

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