Sandrine Collette : On était des loups
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On était des loups par Sandrine Collette.
JC lattès (2022) 197 pages ; Le Livre de Poche (2023) 168 pages ; À vue d’œil (2022) 352 pages.
Prix Renaudot des Lycéens 2022.
Prix Jean Giono 2022.
Au cours de ma lecture de On était des loups, je suis passé par tous les états. De la sensation de plénitude au cœur des montagnes et de la vie sauvage à l’horreur du drame qui peut survenir à tout moment, Sandrine Collette m’a fait vivre une aventure profondément humaine, émouvante, bouleversante, proche des larmes et… bonne surprise, d’une tendresse infinie.
Ainsi, l’autrice donne la parole à un homme brut de décoffrage qui vit dans la montagne. Où ? Ce n’est pas précisé mais j’ai pensé au Canada avant d’apprendre que le narrateur se nomme Liam.
C’est donc lui qui s’exprime dans un langage nature, sans fioritures, un peu fruste. Sandrine Collette maîtrise cela très bien, se passe souvent de virgule, même de points, sans me poser de problème de lecture.
Loin de la civilisation et de ses contraintes, cet homme vit avec Ava, une femme qui a bien voulu partager sa vie difficile. Il avait 22 ans, elle était étudiante et a tout quitté pour vivre avec lui. Leurs amis, plus proches voisins sont isolés aussi. Seul, Henry qui possède un avion, est à quatre heures de cheval.
Ava et Liam ont un enfant, Aru, qui a 5 ans, bientôt 6. Liam est souvent absent car il chasse dans la montagne pour nourrir sa petite famille et vendre peaux, fourrures et cuir en ville, à une heure d’avion de chez Henry.
D’autres couples vivent aussi dans la montagne comme Mike et Helen qui ont trois gosses « inutiles » comme le dit Liam. Si celui-ci aime son fils, il en confie complètement la charge à Ava mais se laisse tout de même émouvoir lorsqu’Aru l’attend au retour de la chasse et se précipite dans ses bras.
Seulement voilà, le drame ne tarde pas à survenir. Sans en dire plus, je peux seulement révéler que Liam se retrouve seul avec son fils et ses deux chevaux, Dark et Ball, ses « gros » comme il les appelle. Il veut se débarrasser du gosse car il ne se sent pas capable de l’élever, sa vie de chasseur passant avant tout.
Alors, Sandrine Collette (photo ci-dessus) me fait suivre cette aventure paternelle et filiale, un long cheminement qui permet d’apprendre de plus en plus de choses sur cet homme qui fut un enfant battu par un père alcoolique.
D’un événement à l’autre, Liam se livre à une sévère introspection pour un père seul avec son môme dans une nature souvent hostile.
Que de réflexions sensées sur l’enfance et de ce qu’il en reste à l’âge adulte ! Faut-il reproduire ou pas ?
Quand, dans la nuit, après l’orage, au cœur de la forêt, les loups se mettent à hurler, Aru veut chanter avec eux mais son père ne le supporte pas. Il est en colère contre la vie, contre le monde. Le souvenir d’Ava le hante ; la tension est permanente entre espoir, inquiétude et peur du lendemain.
Maîtrisant parfaitement son personnage, Sandrine Collette met en place un face à face d’une tension extrême. Elle sait aussi aller vers la tendresse, la paix, la bonté.
Comment ne pas plaindre Aru, ce gosse ballotté par ce père complètement déboussolé ? Aru, un gamin admirable enfin qui pourra peut-être chanter avec les loups… mais pour le savoir, il faut lire et se laisser emporter par On était des loups, un livre déjà bien mis en valeur par le Renaudot des Lycéens, par le Prix Jean Giono 2022 et qui était en lice pour le Prix des Lecteurs des 2 Rives.
Jean-Paul