Jean-Michel Guenassia : À Dieu vat

À Dieu vat    par   Jean-Michel Guenassia.

Albin Michel (2023) 489 pages.

 

 

En juillet 1924, dans l’euphorie d’un monde à reconstruire, dans une guinguette en bord de Marne, une jeune serveuse Irène va rapidement s’éprendre d’un superbe danseur, Georges, ressemblant à s’y méprendre à Rudolph Valentino. Ce beau jeune homme est menuisier aux studios  de cinéma Pathé.

 

Il trouve pour sa belle un travail de couturière aux studios et ils se marient bientôt à la mairie de Joinville. Avec la crise, la production à Joinville diminue et, heureusement, Irène fait de la couture à domicile, notamment chez Madeleine Jansen dans son immense maison de Saint-Maur.

 

Elle fait connaissance également avec l’amie de Madeleine, Jeanne, héritière de la moitié de la banque Schmidt Frères et mariée avec un Virel d’Epernay dont la maison de champagne est renommée.

 

 

Irène, Madeleine et Jeanne se retrouvent enceintes. La première accouche d’une fille, Arlène. Le même jour, le 17 juillet 1928, avec dix minutes de retard, Madeleine donne naissance à un garçon, Daniel. Un mois plus tard, Jeanne mettra au monde des jumeaux Thomas et Marie.

 

 

Dans À Dieu vat, Jean-Michel Guenassia (photo ci-dessus)  nous  fait partager les vies aux destins emmêlés de ce quatuor, sur quatre décennies. Ce carré magique d’amis grandit entre la région parisienne et Dinard, où tous passent leurs vacances d’été dans la propriété des Virel qui domine la baie depuis la pointe de la Malouine (photo ci-dessous).

 

 

À Dieu vat est un véritable roman choral et sociétal, chassé-croisé d’amours éperdues, de destinées funestes et de rendez-vous manqués sur fond de bouleversements sociaux et politiques, une saga qui traverse les années, où vies intimes et grande Histoire s’entremêlent.

 

 

À travers le personnage d’Arlène, l’héroïne du roman, cette enfant surdouée, aînée d’une famille modeste, qui devra lutter encore et encore pour s’émanciper et tenter de devenir l’une des premières femmes ingénieurs atomiques en France, l’auteur raconte à la fois les combats des femmes et la fabrication de la première bombe atomique française.

 

Photo ci-dessus : ancienne mairie de Joinville.

 

Arlène, féministe dans l’âme, est dotée d’une force de caractère hors du commun !

 

On ne peut qu’être admiratif devant les efforts qu’elle fournit, dans un premier temps pour échapper à sa condition sociale et poursuivre ses études, puis pour s’imposer en tant que femme à une époque, pas si lointaine, où certains métiers, notamment scientifiques étaient réservés uniquement aux hommes. Il faut dire qu’Arlène, toute jeune ado, a trouvé près des gravats d’un immeuble éventré par une bombe, un livre gisant dans le caniveau : Calcul des probabilités, d’Henri Poincaré. Après l’avoir lu et avoir décodé ce qu’elle peut, elle se dit que c’est dans cette voie qu’elle doit aller. Elle n’en dérogera pas !

 

La vie des trois autres amis est également loin d’être linéaire. Daniel veut être soldat comme son père, Marie a une âme d’artiste et Thomas ne rêve que de poésie. Eux aussi devront se frotter aux conditions de l’époque et aux exigences de la société et des parents. Pour l’un d’entre eux ce sera fatal et la vie des autres en sera perturbée à jamais.

 

 

C’est ainsi qu’à plusieurs reprises, dans des situations critiques, la seule solution semblant possible est de s’en remettre à la Providence après que le nécessaire a été fait et qu’advienne  que pourra : À Dieu vat

 

Dans la même veine que Le club des incorrigibles optimistes, Prix Goncourt des Lycéens en 2009, ou Les terres promises, avec À Dieu vat, Jean-Michel Guenassia, en nous contant les péripéties de ces quatre jeunes gens aux destins emmêlés, nous fait traverser les années.

 

 

Dans ce dernier roman, nous découvrons une jeunesse fracassée par trois guerres successives, des filles et des gens modestes voulant échapper à leur condition, mais aussi et c’est à mon avis ce qui fait la grande valeur et la puissance de ce roman, nous suivons un pan de notre histoire plutôt méconnu, peut-être volontairement. Il s’agit tout d’abord, du premier essai de bombe atomique française le 13 février 1960, dans le sud du Sahara algérien sur la base de Reggane. Le statut de colonisateur de la France expliquant la possibilité de telles expériences dans le sud du pays. La bombe avait une puissance trois fois supérieure à celle d’Hiroshima. Je n’ai pu m’empêcher de penser à ce film impressionnant de Christopher Nolan, Oppenheimer...

 

 

Suivront d’autres essais nucléaires sur le même site ou celui d’In Ekker pour une expérimentation d’essais souterrains. Celui du 1er mai 1962 ne se passera pas comme prévu… Le problème des contaminations radioactives est soulevé et aiguisera l’imagination de l’auteur, lui permettant de terminer sa saga en un véritable thriller  aussi angoissant que palpitant.

 

Ghislaine

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
P
Voilà un auteur que j’aime particulièrement, et ce dernier roman m’a entraînée comme tous les autres, même si l’es incorrigibles optimistes reste de loin mon préféré.
Répondre
M
Je découvre ta chronique avec plaisir car je n'en avais pas encore lu une sur ce titre. C'est un auteur que j'aime lire de temps en temps alors je note ce titre-là. Merci
Répondre
Thème Magazine -  Hébergé par Overblog