Yanis Al-Taïr : Jardins d'exil

Jardins d’exil    par  Yanis Al-Taïr.

Éditions du Lointain (2024) 361 pages.

 

 

 

Avec Jardins d’exil, son premier roman, Yanis Al-Taïr explore aussi bien les relations familiales que la lutte contre le cancer en passant par les révolutions arabes et la recherche scientifique appliquée aux fouilles archéologiques.

 

 

C’est Alexandre ou Alejandro ou encore Alex qui se confie, raconte, vibre, se désole et suscite surtout la réflexion  à propos de l’évolution de notre monde pas si éternel qu’on voudrait bien le croire. Il habite à Montreuil (Seine-Saint-Denis), ville qui laisse s’exprimer les artistes de rue.

 

 

 

Sur les pas d’Alex, je fais de nombreuses rencontres amoureuses et amicales. Tout part de son village d’enfance, dans la banlieue de Rabat, au Maroc : Al-Bariya. Il a grandi là-bas, comme Laura, sa petite sœur. Leur père est espagnol et leur mère, ingénieure agronome dans une ONG ; elle est française. Ils ont fondé beaucoup d’espoir sur Alex en le voyant entreprendre des études de médecine, à Madrid. Ils sont désespérés lorsqu’ils apprennent qu’il a abandonné pour devenir paléogénéticien au cours d’un stage à Jérusalem.

 

 

Je ne vais pas détailler un défilé un peu lassant de rencontres mais souligner les réflexions très justes distillées par l’auteur tout au long du récit.

 

 

À l’Institut des Mondes Anciens, à Paris, il reçoit des nouvelles de son ami Sacha, archéologue, qui vit au Caire, en pleine tourmente. Nous sommes en 2011, sur la place Tahrir (photo ci-dessus). Hélas, le musée de la ville (photo ci-dessous) est pillé. Sacha sent que sa vie est menacée et veut partir mais son passeport russe ne facilite pas son transfert vers la France.

 

 

Débute alors la publication des extraits du premier journal intime de l’histoire. Il est rédigé par une certaine Aemilia, en 519, à Alexandrie. Ce fil rouge motive alors Alexandre qui déploie tous les moyens pour tenter de décrypter ce que révèlent ces confidences, les relations entre Aemilia et Théodora (mosaïque ci-dessous), future impératrice byzantine, et cette fameuse tache sombre remarquée sur ces documents.

 

 

Si l’auteur excelle pour faire vivre de superbes scènes d’amour comme avec Mathilde, dans la mer, l’exploration de leurs corps se révèle bien plus intéressante que celle des vieilles pierres : « Chaque grain de beauté devenant d’anciennes cités, chaque creux des fondations abandonnées, chaque trace de bronzage des rues antiques qu’il fallait répertorier pour obtenir une carte complète du pays de la luxure. »

 

 

Toutes ces intéressantes réflexions sur la vie et l’amour s’effacent bientôt devant le temps le plus fort de ce roman : le cancer qui frappe Laura. Il a fallu cette terrible maladie pour qu’Alex comprenne enfin vraiment sa sœur.

 

 

 

Tout ce qu’écrit Yanis Al-Taïr (photo ci-contre) est fort, sensible, précis, émouvant. Au passage, il compare médecine douces et médecine conventionnelle sans nécessairement les opposer. Hélas, balloté entre des recherches très aléatoires et la santé fragile de sa sœur, Alex boit et se met lui-même en danger. Par bonheur, voici Azadeh, jeune artiste iranienne qui a fui le régime des mollahs et apporte érotisme et poésie dans la vie mouvementée d’Alexandre ; son père aussi surprend avec un poème plein de justesse et de sensibilité.

 

Le Maroc et les jardins d’Al-Bariya, cet exil toujours possible à tout moment à cause des soubresauts du monde, tout cela pousse l’auteur à des réflexions très poussées sur le jardin d’Éden.

 

 

Aemila et Théodora sont alors très loin mais cette lecture de Jardins d’exil permise par Babelio et par les Éditions du Lointain que je remercie, m’ont fait passer d’excellents moments, me poussant à de très intéressantes réflexions sur notre passage sur Terre, sur cette vie à laquelle, malgré tout, nous nous accrochons… une vie sans retour.

Jean-Paul

 

 

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Y
Merci encore pour cette très belle page. Je suis très touché et heureux que ce livre ait pu vous procurer un peu de bonheur et de bons moments passés à le découvrir. Bien à vous, <br /> Yanis
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D
Sympa de revoir le musée du Caire, j'y suis allé tellement souvent lorsque j'ai travaillé au Caire pendant 3 mois en 98 !<br /> Et ce titre me donne envie, vastes sujets apparemment
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M
Je suis en train de le lire alors je ne jette pas même un oeil sur ta chronique, pour l'instant il me plait beaucoup et je le trouve très intéressant. Je vois que vous avez reçu les deux mêmes lectures de la Masse critique exceptionnelle que moi. C'est amusant...d'habitude Babelio me zappe :) Je reviendrai !
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