Yan Lespoux : Pour mourir, le monde
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Pour mourir, le monde par Yan Lespoux.
Agullo éditions (2023) 409 pages.
Prix Gens de mer 2024.
Prix Virevolte 2024.
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Pour mourir, le monde est un fabuleux roman d’aventures se déroulant au XVIIe siècle qui embarque le lecteur de la route des Indes aux rivages atlantiques.
En épigraphe, Yan Lespoux a choisi un extrait de Antonio Vieira dont il s’est inspiré pour le titre de son roman : « Un lopin de terre pour naître ; la Terre entière pour mourir. Pour naître le Portugal ; pour mourir, le Monde. »
Au mois de janvier 1627, sur la côte du Médoc, au cours d’une tempête effroyable, la caraque São Bartolomeu de la flotte portugaise revenant des Indes vient de s’échouer sur un banc de sable.
Dans une mer glacée, Fernando Teixeira se débat pour échapper à la noyade, quand, une vague plus grosse et plus puissante que les autres le soulève et le propulse sur le rivage. Le voilà sauvé des eaux, il doit alors marcher pour se réchauffer et peut-être trouver du secours, mais il comprend vite qu’il vaut mieux se cacher s’il veut rester en vie et échapper aux costejaires, ces pilleurs d’épaves, misérables gens, tributaires de conditions hostiles, attirés par le butin que convoyait le navire et qui tendent à imposer à tous leurs propres lois. Une jeune femme, « une fille crasseuse, membre d’une tribu de sauvages vêtus de peaux de bêtes » lui fait alors signe de la rejoindre… Elle se prénomme Marie.
C’est ainsi dans cette tourmente que débute le roman.
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Retour en arrière.
Fernando a dû à son corps défendant devenir soldat, l’armée portugaise souffrant d’un manque d’hommes pour renforcer les garnisons de Goa et de divers comptoirs de la côte occidentale de l’Inde. « Toujours au mauvais endroit au mauvais moment depuis qu’il avait vu le jour », il a donc dû quitter Lisbonne et embarquer pour les Indes.
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Marie, quant à elle, vit dans le Médoc. Elle doit quitter la maison de ses parents et va bientôt devoir se réfugier chez son parrain qui dirige un camp de résiniers avec brutalité. Fière et rebelle, elle tente de faire sa place.
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Et puis, il y a Diogo Silva, ce jeune brésilien de São Salvador de Bahia dont les parents ont été tués lors d’une attaque hollandaise. Recueilli par les Jésuites qui œuvraient à la conversion et à l’éducation des Indiens Tupinambas (ci-dessous), il va bientôt devoir résister aux Hollandais avant d’être amené à embarquer sur le São Joao sur l’ordre du commandant en chef de la flotte portugaise, dom Manuel de Meneses.
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Ce sont trois personnages très attachants que nous allons suivre, trois jeunes gens, pauvres, mais décidés à prendre leur destin en main, Marie, Fernando et Diego, ces trois héros ordinaires dont les destins finiront par se rejoindre lors d’une tempête dantesque.
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Inspiré par des faits réels, et notamment des récits d’un naufrage sur la côte du Médoc en 1627 lors d’une tempête épouvantable et à partir donc, d’une solide documentation historique et bibliographique, Yan Lespoux nous offre avec ce premier roman un formidable bouquin où se mêlent avec brio réalité et fiction.
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Se déroulant entre 1623 et 1627, ce récit d’aventures maritimes nous embarque sur la Route des Indes jusqu’au littoral atlantique, nous faisant aborder de multiples rivages et découvrir tout un pan du monde tant du point de vue géographique qu’historique : le Médoc, le canal du Mozambique, Goa, São Salvador de Bahia (photo ci-dessous), Bijapur, Lisbonne, Cap-Vert, Cascais, La Corogne pour finalement s’échouer sur ces côtes landaises.
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C’est avec grand intérêt que j’ai suivi les pérégrinations de ces jeunes gens auxquels je me suis très vite attachée.
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Le fond historique est passionnant et Yan Lespoux a su rendre avec réalisme et parfois crudité les scènes de batailles navales montrant bien la fierté et la détermination des commandants prêts à tout pour conquérir ou reprendre ces terres lointaines, tout comme l’âpre et souvent cruelle énergie déployée par cette communauté marginale vivant sur les côtes du Médoc.
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J’ai d’ailleurs été médusée par la puissance des moyens autant humains que technologiques déployés dans cette conquête par l’Espagne et le Portugal.
L’auteur excelle également à nous faire ressentir au propre comme au figuré, les conditions de vie extrêmement difficiles auxquelles sont confrontées les marins.
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J’ai apprécié l’épaisseur que Yan Lespoux a donné à des personnages secondaires tels que Simão, tourné entièrement vers l’aventure, qui part avec Fernando ou Ignacio, ce grand Indien Tupinamba, ami de Diogo, toujours avec son arc en bandoulière et sa massue à la main.
Quant à Marie, difficile de ne pas être admirative devant sa force de caractère, son ingéniosité, sa perspicacité et son courage. Une féministe avant l’heure !
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Pour mourir, le monde est un roman historique richissime et un roman d’aventures haletant conduit avec maîtrise mais auquel j’ai trouvé cependant quelques longueurs.
À noter sa très belle couverture en parfaite adéquation avec le roman.
Pour mourir, le monde de Yan Lespoux est lauréat du Prix Gens de Mer (Étonnants Voyageurs) et du Prix Virevolte décerné par la librairie La Virevolte de Lyon.
Ghislaine