Clara Arnaud : Et vous passerez comme des vents fous
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Et vous passerez comme des vents fous par Clara Arnaud.
Actes Sud (2023) 370 pages.
Prix du roman d’écologie 2024.
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Clara Arnaud ? Je la lis pour la première fois avec Et vous passerez comme des vents fous, titre inspiré d’ « Impromptu », de Hovhannès Chiraz, poète arménien du XXe siècle.
Ma lecture a été passionnante, envoûtante, enrichissante, pleine de tensions, d’interrogations, un immense bol d’air dans ces Pyrénées ariégeoises chères à l’autrice.
Justement, cette autrice, Clara Arnaud, développe une écriture magnifique qui me captive dès les premières lignes avec Jules, jeune Pyrénéen qui n’a qu’un but : capturer un ourson, le dresser, pour vivre ensuite une vie de saltimbanque comme d’autres avant lui. Quelle tension dès ces premières pages, au début de ce printemps 1883 ! Ensuite, la ferrade, chez le forgeron du village est une scène extraordinaire, prenante et révoltante, que Clara Arnaud sait si bien faire vivre et ressentir.
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Au même endroit, dans ce hameau d’Arpiet, à notre époque, voici Gaspard qui part pour l’estive avec un impressionnant troupeau de brebis. Il laisse au hameau Lucie, son épouse, et leurs deux filles. Aussitôt, Clara Arnaud m’offre une formidable aventure en montagne, aventure à la fois rude et merveilleuse avec des descriptions précises, jamais lassantes. Hélas, le réchauffement climatique et la sécheresse qui en résulte mettent à mal cette nature au sein de laquelle Gaspard s’apprête à vivre plusieurs mois, même si le souvenir de la tragédie de l’estive précédente le hante régulièrement.
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Troisième personnage principal, Alma ; elle est comme une étrangère dans le village d’Arbat dont Arpiet est un hameau. Docteure en biologie comportementale, elle a observé les ours du Kamtchaka à l’Alaska plus d’autres missions destinées à étudier la vie sauvage de plus en plus menacée par l’activité humaine. Mal vue par certains habitants du village, elle travaille pour le Centre National de la Biodiversité afin d’en savoir plus sur le comportement des ours, animaux à la fois fascinants et inquiétants.
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Avec une alternance vite addictive, chacun de ces trois personnages revient et je suis impatient de suivre leur évolution. Le travail du berger est bien détaillé. C’est complet, sans complaisance. Par l’intermédiaire de Jean, un ancien, dont les brebis font partie du troupeau emmené par Gaspard, je note que les randonneurs et les touristes perturbent sérieusement la vie sauvage en altitude.
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Le métier de berger à l’estive est si bien détaillé que je ressens aussi bien les souffrances que les moments d’intense bonheur. C’est complet comme le détail du travail accompli par Alma, éthologue, qui étudie le comportement de l’ours, cet animal sauvage qui intrigue, passionne, fascine, effraie mais qui doit retrouver sa place dans ces montagnes d’où il avait été chassé. Dans ce roman, notre rapport au monde sauvage est bien détaillé avec toutes les contradictions qui opposent ceux qui veulent tout contrôler, régenter et ceux qui veulent laisser vivre un peu la nature.
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Alma relève la moindre trace du passage des ours, touffes de poils, crottes, plus les images captées par des caméras qu’elle essaie de placer aux endroits jugés propices. Hélas, les contraintes administratives, la frilosité de certains responsables et le manque de moyens entravent vite son action.
Tous les problèmes posés par la réintroduction de l’ours dans les Pyrénées sont là. Ils sont aussi vécus du côté du berger et des pertes inévitables subies par son troupeau. Clara Arnaud n’oublie pas de souligner que l’ours ne connaît pas les frontières et que le côté espagnol est aussi concerné. Le travail des chiens comme les patous – de pastor en occitan - qui savent protéger le troupeau, est bien raconté tout comme l’hostilité manifeste de certains habitants n’hésitant pas à utiliser délation, menaces et… je n’en dirai pas plus.
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Clara Arnaud (photo ci-dessus) ne délaisse pas Jules et son aventure de montreur d’ours qui l’entraîne bien loin de ses Pyrénées. Elle sait aussi faire vivre la famille de Gaspard et ses retrouvailles émouvantes avant de détailler enfin ce qui est arrivé l’année précédente à Ilia. L’autrice mène son récit de façon rythmée, hachée, rendant bien la panique de ces moments déterminants entre vie et mort.
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Quelle écriture délicate aussi puisqu’elle sait bien suspendre le temps avant l’épilogue. C’est généreux, imagé, un vrai régal !
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Lauréat du Prix du roman d’écologie 2024, Et vous passerez comme des vents fous fait partie des huit romans sélectionnés pour le Prix des Lecteurs des 2 Rives 2024.
Jean-Paul