LARZAC, histoire d'une résistance paysanne par Terral et Verdier
-
Larzac : Histoire d’une résistance paysanne
BD par Pierre-Marie Terral et Sébastien Verdier.
Préface : José Bové.
Dargaud (2024) 162 pages + Larzac, sur les chemins de l’Histoire (Pierre-Marie Terral).
Larzac, histoire d’une résistance paysanne, cette magnifique BD co-signée par Pierre-Marie Terral, scénariste, et Sébastien Verdier, dessinateur, est dédiée à « celles et ceux qui ont gardé le Larzac… »
En octobre 1971, Michel Debré, alors ministre de la Défense, annonce l’extension du camp militaire du Larzac, de 3000 à 17000 hectares. Menacés d’être expulsés de leurs fermes, les agriculteurs et éleveurs du Larzac concernés par cette extension se mobilisent et s’engagent alors dans un combat qui rassemblera autour d’eux un large et hétéroclite mouvement de protestation. Maoïstes, anarchistes, antimilitaristes, écologistes, militants régionalistes, tout ce que le pays compte de contestataires a cheminé vers le causse…
Ce mouvement de protestation, dynamisé par des comités sur tout le territoire, ralliera des centaines de milliers de personnes.
Déjà présent sur le Larzac, entouré de la communauté de l’Arche, le philosophe Lanza Del Vasto, en prônant la non-violence, a donné le ton à la contestation, tout au long de la décennie que dura le combat.
C’est d’ailleurs à l’issue du jeûne lancé par celui-ci, que, 103 paysans sur les 107 concernés signent un pacte où ils font le serment de ne pas vendre leurs terres à l’Armée.
Pour toutes celles et ceux qui ont vécu cette période, il est impossible d’oublier le cri de ralliement des habitants de ce territoire repris par tous les manifestants « Gardarem lo Larzac », Nous garderons le Larzac. Ce slogan, deviendra le titre du journal créé par les paysans avec l’aide du Canard enchaîné.
Ce roman graphique a l’immense mérite de retracer étape par étape, les dix années de cette lutte pour la terre, une lutte dans laquelle la mobilisation a été d’une ampleur exceptionnelle.
C’est avec bonheur que Sébastien Verdier utilise le noir et blanc pour le dessin, soulignant ainsi le sérieux et la gravité du propos, même si quelques touches d’humour sont bien présentes.
Photographies et documents d’époque, affiches et articles, insérés régulièrement, accréditent le texte et permettent de visualiser encore plus concrètement ce qu’a pu être cette résistance paysanne.
Trois planches publiées dans Charlie Hebdo N° 253 du 13 septembre 1975 sont même reproduites dans l’album, une bien belle manière de rendre hommage à Cabu qui a abondamment croqué les différentes péripéties de ce combat, pour Charlie hebdo ou Gardarem lo larzac.
Cette BD richement documentée, complète, à la fois poignante et émouvante, m’a permis de revivre et très souvent de découvrir tous les moments forts, les moments d’espoir mais aussi les moments de doute qui ont émaillé ces dix années de lutte, des années longues et difficiles.
C’est avec grand plaisir et presque les larmes aux yeux que j’ai retrouvé Claude Marti avec « Vos vau parlar d’un païs que vol viure, Vos vol parlar d’un païs que moris, La tèrra la conneissets, Es la vostra, Amics... ».ou Graeme Allwright avec « How many times must the cannonballs fly Before they are forever banned ? The answer, my friends, is blowing in the wind, The answer is blowing in the wind... » lors des concerts qui s’enchaînèrent lors de la nuit la plus longue du Larzac, du 25 au 26 août 1973.
De nombreux autres acteurs connus sont présents sur le terrain durant ce long combat comme René Dumont, qui est alors le premier écologiste à briguer la fonction suprême ou José Bové, auteur par ailleurs de la préface, sans oublier François Mitterrand bien évidemment qui, fidèle aux promesses faites lors de sa venue surprise sur le causse lors de la fête des moissons en août 1974, sera celui qui mettra un terme à ce projet d’extension, dès son élection en 1981.
Dans la restitution de ce long et difficile combat, Pierre-Marie Terral (à gauche sur la photo ci-dessus ; à droite, Sébastien Verdier) met l’accent sur l’incroyable inventivité dont ont fait preuve les paysans et n’oublie pas de rappeler le rôle important qu’ont joué les femmes.
J’ai vraiment été subjuguée par l’énergie, la combativité et la créativité dont ont fait preuve ces paysans pour sauver leur terre, face à l’inflexibilité du gouvernement, et ce, toujours dans la non-violence, malgré les incitations sournoises déployées pour décrédibiliser le mouvement.
Larzac, histoire d’une résistance paysanne est un roman graphique fascinant, passionnant, terriblement émouvant, très instructif et comme le dit Pierre-Marie Terral, historien et scénariste de l’album : « Il y a un côté intemporel et universel dans cette lutte pour la terre. »
Cette lutte du Larzac qui a marqué une époque, devrait inciter les citoyens à s’emparer de cette désobéissance civile et à s’en inspirer dans leurs actions pour échapper à la fatalité et devenir une expérience utile pour l’avenir.
Un immense merci à mon fils Vincent pour m’avoir permis de découvrir cette fabuleuse BD qui m’a rappelé moult souvenirs et que je recommande chaleureusement.
Ghislaine