Marianne Jaeglé : L'Ami du Prince
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L’Ami du Prince par Marianne Jaeglé.
Gallimard / L’Arpenteur (2024) 266 pages.
Prix Orange du Livre 2024.
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Ce roman nous ramène en avril 65 après Jésus-Christ, dans les environs de Rome.
Sénèque voit des soldats en armes envahir sa villa. II sait immédiatement qui les a envoyés et pour quoi.
Le message porté par le préfet Silvanus est clair, l’empereur lui ordonne de se donner la mort.
Le philosophe va alors profiter des quelques heures que le chef de garde lui accorde pour rédiger une ultime lettre à l’intention de son ami Lucilius, une lettre dans laquelle il explique comment il a passé ses quinze dernières années auprès de celui pour qui il a d’abord été le précepteur, puis le conseiller, puis l’ami, celui qui aujourd’hui réclame sa mort : Néron.
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Maintenant que ses dernières heures sont arrivées, il regarde en arrière et se souvient.
Photo ci-contre : Néron et Agrippine.
C’est ainsi que Marianne Jaeglé, dans L’Ami du Prince, fait revivre la confrontation entre celui qui a tenté de faire d’un enfant de douze ans le prince le plus accompli qui soit, et celui qui est devenu un tyran.
Sénèque, avait durant son exil de huit ans en Corse (photo ci-dessous : la Tour Sénèque en Corse), écrit entre autres, un traité « De la colère », développant ses conceptions en matière d’éducation et acquis une réputation de sagesse.
À la demande d’Agrippine, l’épouse de Claude, il a accepté de s’occuper du fils de cette dernière et de devenir son guide, avouant que dès lors qu’Agrippine qui gagnait chaque jour en influence, avait obtenu que sa condamnation à l’exil soit levée, elle avait fait de lui son obligé.
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Dans ces derniers moments d’introspection, beaucoup de questions taraudent Sénèque. Pouvait-il empêcher ce qui est arrivé et que tout aille différemment et qu’aurait-il dû faire pour y parvenir
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Cette brillante réflexion sur les intrigues du pouvoir, l’attrait qu’il ne manque pas de susciter, les compromissions que tôt ou tard, il engendre quasi nécessairement, la lutte entre les fervents de la démocratie et les futurs despotes, n’a pas pris une ride et se révèle toujours d’actualité.
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Tableau ci-dessus : La mort de Sénèque par Jacques-Louis David (Petit Palais).
Ce roman oblige également à méditer sur les principes d’éducation et le rôle plus ou moins influent de l’entourage.
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L’Ami du Prince est un roman historique richissime fort bien documenté qui se lit comme un thriller avec de multiples trahisons, rebondissements, meurtres et une angoisse latente à chaque page.
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En lisant ce livre, c’est la voix de Sénèque que j’ai entendue tant Marianne Jaeglé a su rendre vivant son discours, ses réflexions, ses questionnements et ses doutes.
Avec une immense maestria, l’autrice nous fait déambuler, sur les pas de Sénèque, dans l’urbs, nous faisant découvrir cette Rome de l’Antiquité. Elle nous permet aussi de découvrir toutes les arcanes du pouvoir, la configuration géopolitique de l’époque, les opérations militaires et, en insérant quelques phrases en latin, bien décryptées, c’est à un véritable retour dans le passé qu’elle nous emmène pour notre plus grand plaisir.
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Marianne Jaeglé (photo ci-dessus) a obtenu pour L’Ami du Prince le prix Orange du livre 2024, un prix bien mérité, même si pour moi, Camera obscura de Gwenaëlle Lenoir le méritait tout autant !
Ghislaine