Page Comann : Le bomian

Le bomian   par  Page Comann.

 M+ Éditions (2024) 305 pages.

Rentrée littéraire 2024.

 

 

Pour leur dernier roman, Le bomian, Page Comann, pseudo collectif de deux auteurs, Ian Manook (à droite) et Gérard Coquet (photo ci-dessus), nous emmène dans les Alpes de Haute Provence, en 1955, dans un village fictif, Le Mazet-sur-Rourle dont la ville la plus proche est Moustiers, et plus loin Manosque, où, en cet été de canicule, le village se prépare à fêter le 14 juillet.

 

 

Voilà que Le Romieux, au volant de son Chausson 1952, vient de déposer au bord de la départementale, un voyageur, un bomian, comme ici on appelle les étrangers. L’arrivée de ce gaillard blond, la trentaine, large d’épaules, un gars à ne pas craindre les bagarres et tatoué comme un ancien bagnard, qui, par sa seule présence, dérange et inquiète, va bouleverser la vie quotidienne et bousculer l’équilibre fragile de ce petit village. Tout ce que les habitants cachent depuis trop longtemps, un drame qui s’est déroulé il y a seize ans, va exploser.

 

 

En ce 14 juillet 1955, l’heure des comptes est arrivée.

La belle phrase d’accroche signée Franck Bouysse qui se trouve sur la magnifique page de couverture du roman : « La tendresse de Pagnol, la force de Giono », est tout à fait pertinente.

 

 

Ce drame provençal fait en effet revivre une région superbement vivante et pleine de soleil tant par la description de la terre que des hommes, tout comme il offre une vision tragique, cruelle, et symbolique, un pays noir fait de rancœurs,  désirs, passions et jalousies avec ses vilains secrets.

 

 

Une galerie de portraits hauts en couleurs nous est brossée avec entre autres, le César Magnan le bistrotier, chasseur, et ses compères, « Compagnons de classe un jour, compagnons de chasse toujours », le père Benoît, ce curé dont la conscience va venir un jour lui parler, Le Glaudet, cet adolescent simplet que tout le pays surnomme le Pabeu, parce qu’il n’est pas beau, Biagio, le directeur de l’école, les gitans mais aussi des femmes, et quelles femmes, la Mathilde qui a perdu son fils lors de la guerre d’Indochine, la Mado, mairesse du Mazet, dont le rôle dans la Résistance a été majeur, la Belle Lisou, l’institutrice ou encore la Bertille. Une brochette de protagonistes que l’arrivée de Bogdan, le bomian, va perturber comme un chien dans un jeu de quilles.

 

 

 Impossible de ne pas s’attacher à certaines et certains de ces personnages et de ne pas en haïr d’autres. Tous sont scrutés avec attention et la complexité de leurs sentiments, leurs blessures, leurs cicatrices et le dessous des apparences analysés méticuleusement.

 

 

En inscrivant dans leur roman la Résistance  et surtout la guerre d’Indochine « une guerre imposée par la France et son régime colonial, perdue dès 1950 et qui n’a consisté ensuite qu’à défendre des postes avancés le long du fleuve Rouge. Jusqu’à la piteuse défaite de Diên Biên Phu », Page Comann tout en affichant toute la cruauté et l’inutilité de la guerre, montre que dans une petite communauté, l’ennui et la misère affective peuvent aussi engendrer la destruction créant ainsi une diversion.

 

 

J’ai trouvé la partie de chasse aux garennes menée par le Pabeu avec le bomian somptueuse et les réflexions du Bomian saisissantes de vérité. Il pense ainsi : Le Pabeu est chez lui, sur son territoire, ce qui lui donne une force supplémentaire, tout comme là-bas en Indochine les Viêt Minh faisaient de nous ce qu’ils voulaient. Nous étions le gibier, ils étaient les chasseurs sur leurs terres.

 

 

La lecture de ce roman, magnifique roman d’atmosphère m’a procuré d’intenses et riches émotions.

 

 

Son écriture très sensorielle a été déterminante dans mon plaisir de lecture.

 

Je me dois de saluer le fabuleux talent de ces deux écrivains chevronnés qui savent de manière tout aussi brillante et captivante passer de Outaouais, leur précédent roman où sévissent tempêtes et blizzards, à Le bomian, leur dernier, où la chaleur est accablante.

 

 

Un immense merci à Lire magazine et aux éditions M+ pour cette lecture passionnante.

 

Ghislaine

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M
Je savais que Ian Manook écrivait parfois à quatre mains mais je n'avais jamais fait de recherches pour savoir avec qui ! Et là en plus ce roman se passe quasiment dans ma région provençale et donc tu me donnes très envie de le découvrir. je connaissais le terme de "boumian" qui en provençal désigne dans le langage parlé le tzigane, le gitan, celui qui est nomade...mais je ne connaissais pas du tout le terme de "bomian" pour désigner un étranger, tu me l'apprends...En tous les cas ce livre me tente bien, merci pour ta chronique toujours superbement illustrée.
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