Alice Zeniter : Frapper l'épopée
-
Frapper l’épopée par Alice Zeniter.
Flammarion (2024) 342 pages.
Rentrée littéraire 2024.
/image%2F3417118%2F20240910%2Fob_6cab4f_th.jpg)
Suivre Tass qui revient en Nouvelle-Calédonie après avoir rompu avec Thomas, est une formidable aventure riche d’enseignements.
Lorsque des événements graves se passent là-bas, les actualités en font écho puis passent rapidement à autre chose. Des ministres, un Président peuvent aller vivre quelques heures ou quelques jours sur le Caillou, tenir un langage ferme, débiter quelques promesses, rentrer en métropole, mais rien ne change ou presque…
Alors, lire Frapper l’épopée, le dernier roman d’Alice Zeniter (L’Art de perdre) m’apporte une quantité impressionnante d’informations car elle place son histoire au cœur de la vie des Néo-Calédoniens, les Kanak et les autres.
/image%2F3417118%2F20240910%2Fob_cfe034_carte-geographique-nouvelle-caledonie.jpg)
Tass fait bien comprendre ce qu’elle ressent. Elle avait quitté la Calédonie dix ans auparavant pour un master de journalisme à l’université d’Aix-Marseille. Si elle se pose beaucoup de questions sur sa vie à venir, elle n’a pas de véritable intérêt pour ses ancêtres.
/image%2F3417118%2F20240910%2Fob_f909d3_1200x680-girardet-larrestation-de-loui.jpg)
Quand elle disait qu’elle venait de Nouvelle-Calédonie, cela ne suscitait pas non plus beaucoup de réactions. On lui citait, peut-être, Ataï, Louise Michel ou encore Christian Karembeu, mais ça n’allait jamais plus loin… le bagne, peut-être ?
/image%2F3417118%2F20240910%2Fob_9a68f7_haut-vol-noumea-noumea-marine-reveilha.jpg)
Arrivée à Nouméa, elle retrouve Sylviane, amie de sa mère mais Ju, son frère, n’est même pas à l’aéroport car il campe avec sa femme et ses trois gosses.
Je sens vite qu’Alice Zeniter (photo ci-dessous aux Correspondances de Manosque) a séjourné sur place lorsqu’elle offre une description détaillée de Nouméa, parle des parfums, des odeurs avant de débattre des arguments pour et contre vivre en métropole ou en Nouvelle-Calédonie.
Le covid étant passé par là, elle a choisi de rentrer et de faire sa vie, seule, d’enseigner en lycée, au nord de Nouméa, comme prof de français remplaçante.
Un changement brusque s’opère sans prévenir puisque voilà Un Ruisseau, NEP (N’Épouse pas un Pauvre) et FidR (Fille de la Réussite). Ils sont jeunes et kanak et forment un groupe, hors des clans, pour l’indépendance.
/image%2F3417118%2F20240910%2Fob_baaabd_img-5-small580.jpg)
Parmi ses élèves, Tass (Tassidy Areski) a remarqué les jumeaux, Célestin et Pénélope, dans sa classe de Première STMG. Elle les trouve beaux et tente de les motiver pour lire Marivaux, dans L’île aux Esclaves. La chaleur est étouffante mais la floraison extraordinaire des flamboyants centenaires ne peut qu’émouvoir.
Au hasard d’un vide-grenier, place des Cocotiers (photo ci-dessous), un dimanche matin, Alice Zeniter glisse quelques justes et belles réflexions à propos de ce qui se transmet ou pas. Ces objets qui changent de main ont accompagné des gens. Qu’emportent-ils comme souvenir ?
/image%2F3417118%2F20240910%2Fob_14603d_coconut-square.jpg)
Peu à peu, l’autrice plonge dans l’esprit des néo-Calédoniens, Français, Kanak ? Le dilemme est important et, habilement, l’autrice réussit à plonger son histoire dans le passé, les origines, la colonisation, le bagne, la colonie pénitentiaire et cet ancêtre, Arezki dont je suis avec passion le parcours.
/image%2F3417118%2F20240910%2Fob_524605_oip.jpg)
C’est très intéressant, plein d’enseignements car cela démontre toute la complexité de la vie néo-calédonienne, des plus riches aux plus pauvres, des exploiteurs aux exploités, un imbroglio très difficile à démêler, héritage qu’il faudra bien un jour assumer et régler.
/image%2F3417118%2F20240910%2Fob_550d07_fb-nouvelle-caledonie-1600244.jpg)
Frapper l’épopée, cette épopée qu’Alice Zeniter a bien fait de mettre en scène, est un roman indispensable que j’ai eu beaucoup de plaisir à lire.
Jean-Paul