Cédric Gras : Alpinistes de Mao

Alpinistes de Mao   par  Cédric Gras.

 Stock (2023) 299 pages ; Points (2024) 240 pages .

 

 

 

Après Alpinistes de Staline, Cédric Gras a bien fait de s’attaquer à un autre monument en rédigeant Alpinistes de Mao, même si la pente était encore plus rude…

 

 

Autour de l’assaut du mythique Everest, le toit du monde, il permet de retracer des années de l’Histoire du géant chinois, au cours de la seconde moitié du XXe siècle.

 

 

Cédric Gras établit d’abord un constat : l’alpinisme ne fait pas partie des activités pratiquées en Chine populaire, au début des années 1950.

 

Si l’Everest attire, il se situe au Tibet pour sa face nord et le peuple tibétain, s’il est adapté à l’altitude, n’est pas motivé pour grimper vers les sommets. D’ailleurs, beaucoup de superstitions, de croyances et de peur de l’inconnu font que l’alpinisme effraie au lieu d’attirer.

 

 

La transparence ne faisant pas partie des traditions du régime chinois, le travail de recherche de Cédric Gras a été long et fastidieux. Il a dû recouper le peu d’informations récoltées, se rendre sur place, vérifier le plus possible et se méfier beaucoup de la propagande car cette conquête de l’Everest a d’abord une visée politique. C’est une conquête ultra-nationaliste.

 

 

Alors, Cédric Gras me fait rencontrer les premiers alpinistes chinois comme Xu Jing qui a grandi dans un pays en guerre. Comme les deux géants communistes ont plutôt de bons rapports, en 1955, c’est en Union soviétique qu’il va se former avec trois autres membres du Parti Communiste Chinois qui, comme lui, n’ont jamais vu ni glacier, ni paroi verglacée. Evgeni Beletski est leur formateur et ils commencent à collectionner des sommets à plus de 6 000 mètres, en URSS.

 

 

Ensuite, Xu Jing sélectionne ceux qui vont tenter l’aventure et retient d’abord Liu Lanman qui vient de Mandchourie. L’auteur me fait connaître chaque élément essentiel, futurs Alpinistes de Mao, comme Shi Zhanchun.

 

 

Dans le Tibet oriental, ils font route vers le Shichuan avec pour objectif le Minya Konka (7 556 m). Sont-ils bien accueillis ? Pas sûr. Au Tibet, tout le monde n’apprécie pas l’occupation chinoise et les Khampas (photo ci-dessous) mènent la guérilla. De plus, les conditions climatiques jouent un rôle important pour le succès ou l’échec de chaque expédition.

 

 

Cédric Gras cite ses sources et parle de ses recherches qui me rapprochent insensiblement de l’assaut de l’Everest. Le dixième anniversaire de la République Populaire de Chine est une bonne motivation. Tout au long du livre, de très intéressants rappels historiques sur l’annexion du Tibet permettent de sortir de l’oubli quantité de malheurs apportés par une idéologie totalitaire et un endoctrinement extrême.

 

 

Alors, il faut suivre les quatre batailles menées pour tenter d’arriver au sommet de ce Qomolongma, comme on appelle sur place l’Everest. Le monastère de Rongma sert de camp de base puis d’autres sont installés de plus en plus haut.

 

 

Après tant de souffrances et de tentatives avortées, le 25 mars 1960, à 4h 20, heure de Pékin, Wang Fuzhuou, Qu Yinhua et le tibétain Gonpo sont au sommet  alors que Liu Lanman a dû rester un peu plus bas. Cédric Gras fait bien vivre doutes et souffrances, espoirs et conditionnement de ces hommes qui ont juré fidélité à Mao. Plus tard, Phando, une tibétaine, sera la première femme à grimper jusqu’au pinacle de l’Everest, face nord… après la japonaise Junko Tabei… onze jours plus tôt, le 16 mai 1975, par la face népalaise !

 

Les versions de ces exploits diffèrent et l’auteur propose un questionnement intéressant, un débat bien étayé avant de dresser un panorama politique de la Chine populaire à la fin des années 1960. Grand bond en avant, Gardes rouges, la population chinoise est victime de famines, d’une répression aveugle et les morts se comptent par centaines de milliers. Les héros du 25 mars 1960 ne sont pas épargnés et l’auteur va au bout de leur histoire sans oublier le Tibet qui s’embrase à nouveau en 2008 avec cet Everest où tout est balisé maintenant.

 

Dans Alpinistes de Mao, Cédric Gras (photo ci-dessus) a bien fait de sortir de l’oubli ces pionniers, même s’il reconnaît, modestement, que son enquête est imparfaite. Pour moi, elle fut tout simplement passionnante et très instructive.

Jean-Paul

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