Maylis de Kerangal : jour de ressac
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Jour de ressac par Maylis de Kerangal.
Éditions Verticales, Gallimard (2024) 241 pages.
Rentrée littéraire 2024.
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Ce jour de ressac, nouveau roman de Maylis de Kerangal (photo ci-contre aux Correspondances de Manosque 2024), est une belle aventure littéraire qui permet à l’autrice d’aborder plusieurs thèmes avec, pour point central, la ville du Havre (photo ci-dessous).
C’est là que la narratrice est convoquée par la police au commissariat central car le corps d’un homme a été découvert sur une plage. Or, cet homme avait, dans une poche, un ticket de cinéma avec au dos, le numéro de téléphone de la narratrice qui est doublure de voix pour le cinéma, profession mise en péril par l’émergence de l’intelligence artificielle.
Cette femme est fort perturbée par cette convocation qu’elle se rend sans délai dans ce grand port dont elle est originaire.
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Ici, j’ai tout ce qu’il faut pour amorcer un passionnant polar mais il ne faut pas y compter car l’autrice de Naissance d’un pont, de Réparer les vivants et de Un monde à portée de main, n’écrit pas des polars. Au contraire, elle excelle à plonger ses lecteurs dans un bain de littérature avec une écriture qui régale à chaque fois. Si ses phrases sont longues, elles sont parfaitement maîtrisées. C’est vivant, rythmé et m’accroche bien. Cela ne l’empêche pas de glisser, au passage, quelques réflexions bienvenues comme lorsqu’elle parle des textiles, produits en masse à des prix dérisoires pour finir en tas immenses au Ghana ou dans le désert d’Atacama.
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Maylis de Kerangal a vécu au Havre et elle prouve ici qu’elle connaît parfaitement la ville puisqu’elle m’emmène au cinéma, le Channel, mais reste dans le hall pour conter une scène ordinaire avec une multitude de détails, la rendant vivante et animée, réelle.
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C’est lorsqu’elle aborde les bombardements massifs de la ville, par les Alliés, que Jour de ressac devient, pour moi, de plus en plus passionnant. S’appuyant sur un travail de recherche effectué avec une camarade lorsqu’elles étaient en terminale, elle me bouleverse avec le récit de Jacqueline, recueilli à Southampton.
Tombent sur la ville et ses habitants deux mille tonnes de bombes, plus trois mille autres tonnes de bombes incendiaires déversées par la Royal Air Force, pour tenter de chasser l’occupant qui ne se rend pas alors que les dégâts matériels, physiques et psychiques sont considérables. Cela démontre toute l’inutilité du bombardement aérien et me fait penser à celui du 16 août 1944, sur la ville de Saint-Vallier (Drôme). Un train allemand était arrêté dans le tunnel passant sous la ville. La cible a été manquée et tout un quartier a été détruit et 97 civils tués. Que de souffrances et de morts inutiles !
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Maylis de Kerangal raconte ici l’immense surprise des habitants du Havre sortant des abris souterrains qui, depuis la gare, voyaient la mer !
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Après cela, le parcours de la narratrice se poursuit. Moments forts ou calmes, sa quête tourne autour de sa personnalité, de ses souvenirs, de Craven, cet amoureux disparu sans tenir sa promesse de retour.
Il y a deux Ukrainiennes, le trafic de drogue favorisé par l’usage massif des conteneurs, ces trois millions de boîtes qui transitent chaque année par le port du Havre.
Souvenirs familiaux, imagination débordante pour tenter d’identifier l’homme découvert au bord de l’eau, la qualité d’écriture de Maylis de Kerangal ne se dément pas tout comme son vocabulaire recherché qui n’exclut pas certains mots d’anglais glissés ici ou là.
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Au passage, elle fait un crochet par l’Institut médico-légal de Rouen, visite qui permettra à l’autrice une pirouette finale pas si surprenante que cela.
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Elle m’a permis de faire connaissance avec Blaise, le mari de la narratrice, et avec Maïa, leur fille, escrimeuse de talent, qui vient d’avoir vingt ans. Auparavant, j’ai appris que cette narratrice dont j’ignore le prénom – c’est pénible - avait été la marraine de l’Hirondelle de la Manche, vedette rapide pour les pilotes du port du Havre, cette grande ville reconstruite entièrement qu’elle donne envie de visiter, peut-être un jour de ressac ?
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Jean-Paul