Abel Quentin : Cabane

Cabane   par  Abel Quentin.

Les Éditions de l’Observatoire (2024) 477 pages.

Rentrée littéraire 2024.

 

 

 

Le rapport Meadows, Les limites à la croissance (dans un monde fini) publié en 1972 qui prévoit un effondrement possible au milieu du XXIème siècle est à l’origine de Cabane.

 

 

 

Abel Quentin a créé une fiction dans laquelle le rapport Meadows devient le rapport 21.

 

 

Dans les années 1970, à l’université de Berkeley, « la Harvard de l’Ouest », berceau de la contre-culture, quatre jeunes chercheurs que rien ne lie, sous la houlette de leur mentor Daniel W. Stoddard, fondateur de la dynamique des systèmes, vont trimer jour et nuit, pendant un an sur une mission :

 

« analyser les causes et les conséquences à long terme de la croissance sur la démographie et sur l’économie mondiale » et sur la question incidente : « Les activités humaines peuvent-elles poursuivre leur croissance de façon durable, face aux limites des ressources naturelles non renouvelables, de la surface des terres arables et de la capacité d’absorption de la pollution par les écosystèmes ? ».

 

 

La réponse fournie par l’ordinateur l’IBM 360 (photo ci-dessus), alias « Gros Bébé » qu’ils ont nourri de données, est sans appel : si la croissance industrielle et démographique ne ralentit pas, ce sera l’effondrement de la civilisation humaine telle que nous la connaissons.

 

 

Ce rapport 21 devient un best-seller mondial. Tout en semant la consternation, il n’est malheureusement suivi d’aucun effet.

Son succès en librairie va précipiter la rupture entre les quatre de Berkeley.

 

 

L’auteur imagine alors la vie de ces quatre jeunes scientifiques et la répercussion qu’aura sur chacun d’eux, cette effroyable révélation, cette responsabilité écrasante devant l’Histoire.

 

 

Le couple d’Américains, Mildred et Eugène Dundee décide d’alerter l’opinion, s’engage politiquement dans une tournée des capitales mondiales ; le Français Paul Quérillot, lui, plus ébranlé qu’il n’ose l’avouer, songe cependant davantage à sa carrière et débute celle-ci au sein de la direction Recherche scientifique et technique du pétrolier Elf ; quant à l’énigmatique Johannes Gudsonn, le Norvégien, ce surdoué des maths, il a disparu de la circulation, est-il devenu fou comme certains le prétendent ?

 

 

Un dernier personnage est le journaliste, Rudy. Le magazine Zones pour lequel il est pigiste lui demande un reportage sur le rapport 21, ce rapport écolo avant l’heure, cette étude sur les dangers de la croissance, car ça va être l’anniversaire des cinquante ans du rapport.

 

 

Ce dernier qui ne  s’intéresse que vaguement à ces questions est pourtant ébranlé par le contenu du rapport, par sa date de publication et se retrouve vite fasciné par Gudsonn.

 

 

À rebours du roman d’anticipation, le roman s’arrête en 2023 et traite sous un angle rétrospectif plutôt la peur de l’effondrement que l’effondrement lui-même et il reprend un thème universel qui est de porter un discours en décalage avec une époque et donc pas écouté.

 

 

 

Avec Cabane, récit nourri de l’authentique rapport Meadows, Abel Quentin (photo ci-contre aux Correspondances de Manosque 2024) signe un superbe thriller sur la désillusion écologique, dénonçant la croissance sans limite qui nous mène à notre fin.

 

 

Comme notre journaliste, j’ai été choquée en découvrant le compte-rendu de ce rapport commandé en 1970 qui alertait sur les risques d’une croissance économique illimitée dans un monde aux ressources limitées et qui aurait dû être pris pour le moins comme un message de ralentissement.

 

 

Abel Quentin raconte ce message non entendu, cette réalité historique avec des personnages inventés, des personnages reconnus mais qui ne sont pas écoutés. Il s’attache à décrire la réaction et le destin de ces chercheurs.

 

 

J’ai particulièrement apprécié le cheminement intérieur de Rudy et le suivre dans sa traque de Gudsonn.

Dans son enquête sur le Norvégien, il apprend que celui-ci a vécu dans une cabane, cette cabane, lieu ambivalent, miroir inversé de la grande ville, qui a un côté solaire mais, de par son isolement peut être le lieu de la folie, la folie pour fuir la réalité, peut-être...

 

 

Cabane, troisième roman d’Abel Quentin ne se lit pas, il se dévore. Il est une fresque brillante, ample, richement documentée qui se déploie sur cinquante ans, de la tiède insouciance des seventies et des hippies jusqu’à la désillusion des années 2020 en passant par le choc pétrolier. Il est aussi une satire féroce, non dénuée d’humour, d’une humanité qui joue avec le feu et va droit dans le mur.

 

 

Plus que jamais d’actualité !

 

Nous sommes sur le Titanic, avec l’orchestre qui continue à jouer…

 

Ghislaine

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A
Je te rejoins : un roman qui ne se lit pas. Il se dévore.
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G
On est bien d'accord !
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