Claudie Hunzinger : Il neige sur le pianiste

Il neige sur le pianiste   par  Claudie Hunzinger.

Grasset (2024) 215 pages.

 

Deux ans après Un chien à ma table, Prix Femina 2022, avec Il neige sur le pianiste, Claudie Hunzinger (photo ci-dessous) nous plonge dans une nouvelle variation autour de ce même lieu, cet endroit magique, cette maison isolée en bordure de la forêt vosgienne, cette forêt sanctuarisée après le massacre de 14/18 mais qui s’est remise à hurler avec l’abattage de ses résineux, présage d’un désastre en route ?

 

 

On retrouve des personnages familiers, la narratrice qui ressemble beaucoup à l’autrice, une écrivaine un peu âgée et son compagnon un peu moins présent cette fois. Toujours en symbiose avec la nature, elle passe ses soirées à écouter ses murmures et craquements, tentant d’en reproduire les langages, comme celui du vent ou de la neige, le plus finement et fidèlement possible sous forme d’onomatopées ou de successions de consonnes et voyelles.

 

 

Un soir de première neige, vont faire irruption dans sa vie, un pianiste de classe internationale et la visite opportune d’un renardeau affaibli, moteur de l’histoire.

 

 

Ce célèbre concertiste qu’elle n’a jamais rencontré, elle le connaît par le biais d’une amie qui avait offert à ce dernier, son professeur de musique, un des romans de l’écrivaine, et, depuis, quelques mails seulement avaient été échangés…

 

 

Le pianiste, un immense interprète de Jean-Sébastien Bach ne pense rester qu’une nuit. Mais la romancière ne l’entend pas de cette oreille et germe dans son esprit l’idée de le « séquestrer ».

Elle va faire alors alliance avec les éléments, la neige devenant son alliée.

 

 

La présence d’un piano, un Steinway, dans la maison contribuera à retenir le concertiste sur place.

Ce ne seront pas 48 H comme prévu au départ qu’il restera mais dix jours et onze nuits !

 

 

Durant tout ce temps, la romancière va examiner avec attention ce personnage assez mystérieux, éternel exilé et apatride : « Il s’était exilé dans la musique. Elle était devenue sa terre d’accueil ».

 

 

J’ai été captivée par la complicité qui va peu à peu naître entre les deux protagonistes, une complicité certes, très à distance  et ce, malgré une totale opposition  entre eux. En effet, la narratrice n’a jamais quitté sa forêt, attirée par la sauvagerie et le pianiste, ce citadin, lui, n’arrête pas de faire le tour du monde, chacun enviant peut-être un peu la vie de l’autre. Entre eux deux, l’arrivée du renardeau !

 

 

Elle devine cependant qu’elle est en face d’un être romanesque et que, d’une certaine manière, ils ne sont pas si éloignés que cela l’un de l’autre, des réminiscences du passé surgissent, des souvenirs d’enfance, d’exil…

 

 

 

J’ai particulièrement savouré ce lien avec la nature qu’entretient avec constance et tellement de sensibilité et d’humanité Claudie Hunzinger.

 

 

 

Son face à face quotidien à travers une vitre avec ce renardeau qu’elle va sauver et à qui elle concocte chaque jour un repas délicieux servi dans sa plus belle vaisselle est absolument magique. Et quelle plus belle preuve d’amour et de respect de la vie sauvage que de lui enjoindre de ne pas revenir en rétrécissant ses repas, afin de ne pas l’inciter à la reconnaissance, à l’attachement.

 

 

Quand on a fait connaissance avec cette artiste plasticienne et écrivaine qu’est Claudie Hunzinger, c’est toujours un extrême et réel plaisir de la retrouver dans un nouveau roman. C’est entrer dans un univers sonore à la mélodie parfaite où tous les sens sont en éveil et dans lequel la nature de plus en plus menacée occupe une place prépondérante criant sa douleur à qui veut bien l’entendre et Claudie Hunzinger la discerne clairement et nous la fait ressentir avec talent.

 

 

Roman parfois aux allures un peu délirantes, roman sur la solitude, sur la fragilité et la menace qui pèsent sur chacun, avec cette leçon de vie, ce message : «  Ne jamais avoir de maître. Rester intraitable. Vivant ! »

 

 

Avoir rencontré cette brillante autrice aux https://correspondances-manosque.org/ a été pour moi la consécration de mon admiration pour ses écrits en totale adéquation avec la vie qu’elle mène depuis des décennies à Bambois.

 

Ghislaine

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