Fabrice Arfi : La troisième vie

La troisième vie   par  Fabrice Arfi. 

Seuil (2024) 231 pages.

 

 

 

Quand Fabrice Arfi (photo ci-dessous) apprend fin 2007 que Edwy Plenel s’apprête à lancer un journal en ligne, Mediapart, dont les deux boussoles sont l’indépendance et l’enquête, il bondit sur l’occasion.

 

 

 

Ayant rejoint le pôle « Enquêtes » du site d’information en ligne, c’est la même année, en mars 2008, en déjeunant avec un agent retraité du contre-espionnage français au sein de la DST et vieil ami de son père, que l’auteur entend parler de Vincenzo Benedetto, ce dessinateur industriel roumain qui, en septembre 1969, franchit le rideau de fer pour rejoindre la France pour ne plus la quitter.

 

 

 

 En 1919, une partie des Benedetto dont Jean, vingt ans, originaire du village de Monasterolo Torinese à une vingtaine de kilomètres de Turin a émigré dans la région lyonnaise.

 

 

Jean, lui, s’est établi à Villeurbanne, persuadé que son frère Benedetto de six ans son aîné, a été fauché durant la Première guerre mondiale, sur le front autrichien lors de batailles de l’Isonzo le 2 décembre 1915 ; Son corps n’a jamais été retrouvé, mais le doute n’est pas permis.

 

Aussi tombe-t-il des nues lorsqu’à l’automne 1968, il apprend que son frère serait vivant, vivrait en Roumanie (photo ci-dessus : drapeau roumain, époque communiste) et aurait un fils Vincenzo !

 

 

Après s’être rendu à Cluj (photo ci-dessus) en Roumanie (photo ci-dessous : drapeau époque actuelle), c’est au tour de Vincenzo, accompagné de sa femme, de surmonter les difficultés liées au rideau de fer  pour obtenir les autorisations de sortie du territoire, de venir à Villeurbanne. Quelque chose d’irrépressible les attire vers la France et ils y resteront.

 

 

Fabrice Arfi va pendant plus de quinze ans mener une enquête au long cours pour tenter de comprendre qui était ce Vincenzo Benedetto, fils de Benedetto Benedetto qui n’est peut-être pas là par hasard et pourrait bien être un agent secret à la solde de la Securitate.

 

Pour tenter de cerner le personnage, il va recueillir des témoignages aussi bien en France qu’à l’étranger, s’appuyer sur des interviews, sur des documents d’archives nationales, départementales, du service historique de la Défense ainsi que des archives de la Securitate, à Bucarest.

 

Au fil de l’enquête, il s’avère que Benedetto a été soupçonné par la DST rapidement relayée par la justice, d’être un infiltré et l’histoire va croiser celle de la grande politique française, avec  François Mitterand, Maurice Faure et principalement Charles Hernu, ministre de la Défense. DST, Securitate roumaine mais aussi KGB, difficile d’y voir clair dans ces imbrications.

 

 

C’est ainsi que Fabrice Arfi a accumulé beaucoup d’éléments sur Benedetto et Hernu, sur leur vie secrète, leur troisième vie, la vie publique et la vie privée étant les deux autres, sans pouvoir affirmer que Benedetto avait un lien avec Hernu (photos ci-dessus et ci-dessous), mais peut-il en être autrement sur des vies inventées ?

 

J’ai été fascinée par le fastidieux et minutieux travail d’enquête qu’a mené l’auteur porté par son obsession pour les mystères de la vie  ou plutôt des vies de Vincenzo Benedetto et néanmoins parfois un peu perdue par l’imbrication de tous ces services de renseignements. Ce récit m’a ouvert les yeux sur une autre facette de la personnalité de Charles Hernu même si j’avais, en son temps, suivi l’affaire du Rainbow Warrior.

 

 

C’est également tout le pan historique que j’ai beaucoup apprécié. Il m’a permis de réviser mes connaissances, notamment l’assassinat de Sadi Carnot (photo ci-dessus) par Caserio, Italien de naissance, et du terrible déferlement de haine raciste qui s’en est suivi à Lyon. Il m’a remémoré ce régime totalitaire dirigé par « le génie des Carpates » jusqu’à sa chute en décembre 1989. Je me souviens très bien de la procédure expéditive largement télévisée qui avait conduit à l’exécution du couple Ceausescu, Nicolae et Elena. Une photo les représentant le jour de leur exécution fait d’ailleurs partie des photos, portraits et documents, en noir et blanc incluses tout au long du récit, l’accréditant encore plus.

 

 

Fabrice Arfi (photo ci-dessous), co-responsable des enquêtes à Médiapart, connu pour ses enquêtes, est à l’origine de nombreuses révélations dans les affaires Karachi, Bettencourt et Cahuzac. Je l’avais découvert et particulièrement apprécié dans l’affaire des financements libyens de Nicolas Sarkozy (BD Sarkozy-Kadhafi. Des billets et des hommes).

 

 

J’ai à nouveau été conquise par cette dernière enquête journalistique, notamment par ses nombreuses digressions historiques et politiques.


Je remercie vivement Babelio et les éditions du Seuil pour m’avoir proposé la découverte de ce récit : La troisième vie,  de Fabrice Arfi.

 

Ghislaine

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A
C'est ce que je reproche aux romans d'espionnage : je m'y perds entre les espions et les contre-espions.
Répondre
G
C'est parfois un peu difficile à suivre...
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