Katja Oskamp : Marzahn, mon amour
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Marzahn, mon amour par Katja Oskamp.
Grasset (2024) 215 pages.
En pleine crise de la quarantaine, à l’âge où on lui promet de devenir invisible, alors que sa vie est devenue fade, sa fille envolée en Angleterre, son mari atteint d’un cancer et que sa carrière d’écrivaine patine, Katja Oskamp (photo ci-dessous) décide de changer
de vie et de tenter autre chose. Et si les années de l’entre-deux étaient les plus belles ?
Elle fait le choix de se reconvertir dans la pédicurie. Son diplôme en poche, elle rejoint un institut de beauté à Marzahn, dans la banlieue de Berlin-Est, autrefois la plus grande cité de préfabriqués en béton de la RDA. Tiffy qui propose des soins esthétiques et des massages, est sa cheffe et la propriétaire de l’institut, et Flocke y travaille également comme prothésiste ongulaire.
Une quinzaine d’habitants du quartier sont ses clients réguliers. Ce sont des gens souvent avancés en âge, des femmes principalement mais aussi des couples et même la mère et la fille Noll, la mère étant sa cliente la plus âgée avec ses 96 ans, qui viennent lui confier leurs pieds cabossés et dont elle découvre les vies.
Sa secrète ambition est de voir chaque client repartir plus enjoué qu’il l’était en arrivant. Seule la bonne humeur de Frau Blumeier va mettre à rude épreuve cette visée.
C’est ainsi que Katja Oskamp rend compte de son expérience en nous livrant d’émouvants portraits de gens simples, usés par la vie et le travail, qui racontent leurs histoires. Tout en leur procurant ses soins réguliers de pédicurie très personnalisés, minutieusement décrits, qu’elle accomplit avec une incroyable douceur et expérience, elle effectue en parallèle de véritables séances de thérapie tant elle est à l’écoute de l’histoire de chacun.
J’ai d’ailleurs été subjuguée par la compétence, l’écoute réelle, la douceur, la tendresse, la bienveillance, mais également la diplomatie et la patience dont la thérapeute fait preuve tout au long de ses séances.
Toutes ces qualités participent grandement à apporter un réconfort non seulement physique mais surtout un peu de soleil dans la vie de ces gens qui, la plupart vivent dans ces grands ensembles mal insonorisés de l’ex RDA et qui après une vie de labeur peuvent se libérer du moins oralement des difficultés de leur existence quotidienne en les racontant à cette oreille attentive pendant que leurs pieds sont chouchoutés et choyés par ces mains expertes usant de mille précautions à leur encontre.
Si ces portraits attirent pour la plupart force respect pour le courage et la dignité que déploient ces personnes, il y a cependant de rares exceptions comme la fille Noll à qui j’aurais volontiers infligé une petite correction…
Ce livre est une véritable lettre d’amour que Katja Oskamp (photo ci-dessus) adresse aux habitants de Marzahn et à ce quartier, une réflexion pétrie de douceur et d’humanité mais aussi d’humour et... de drôlerie comme Frau Blumeier « allait l’dire »
Si Marzahn, mon amour est une belle leçon d’humanité, elle est aussi une belle page d’amitié, amitié tissée entre ces trois soignantes, avec de très belles pages sur cette « sortie du personnel » aux thermes de Bad Saarow, première station thermale du Brandebourg.
Se pencher sur les pieds des gens peut surprendre au premier abord mais cette approche particulière, toujours pleine de dignité, se révèle bien vite richissime dévoilant une vue de la société, un panorama de la RDA, post RDA.
Je n’aurais sans doute jamais lu Marzahn, mon amour de Katja Oskamp cette mini comédie humaine avec des histoires tout à la fois singulières et universelles portée avec une pétillante énergie si cet ouvrage n’avait pas fait partie de la sélection du Prix des lecteurs des 2 rives 2024 organisé par ma médiathèque préférée de Drôme des collines, c’eut été fort dommage pour moi !
Ghislaine