Richard Morgiève : La mission
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La mission par Richard Morgiève.
Joëlle Losfeld éditions (2024) 233 pages.
Jacques Paul, dix-sept ans, rejoint la nouvelle ferme où l’Assistance l’a placé. À la descente du car, il décide de prendre un peu de bon temps avant d’y aller.
C’est le 6 juin 1944, jour de son anniversaire et la seconde guerre mondiale touche à sa fin.
Il descend vers la rivière, saute dans l’eau, sans savoir nager, mais qu’importe, fait quelques mètres puis se hisse sur un rocher, s’étend sur la pierre chaude et savoure le moment.
Surgissent des hommes armés, une bande de résistants qui lui annoncent le débarquement des Alliés en Normandie. Jacques va se joindre à eux.
Mais tous n’ont pas les mêmes motivations et le temps est aux règlements de comptes. Bien vite, Jacques va se retrouver à porter le chapeau du meurtre d’un homme et de sa femme, son viol. Pour sauver sa peau, il n’aura plus qu’une solution, s’enfuir. Alors qu’il surplombe une gorge étroite, il aperçoit un jeune homme gravement blessé rampant vers le ruisseau. Malgré la pente très forte, il se porte à son secours et trouve en Erwin Boy, soldat alsacien enrôlé de force dans la division Das Reich et déserteur, l’amour, et ne voulant pas divulgâcher votre lecture, sa mission…
Parviendra-t-il à la mener à son terme ? En tout cas, de nombreuses péripéties l’attendent.
La mission est le premier roman que je lis de Richard Morgiève (photo ci-dessous), écrivain reconnu et auteur de plus d’une trentaine de romans.
Il ne m’a pas toujours été facile de suivre les chemins empruntés par l’auteur et de trouver de la clarté dans l’opacité de son récit, découvrant un roman relativement complexe et bien souvent déroutant. J’ai eu du mal à emboîter le pas de Jacques et à suivre son parcours, perdue dans les méandres d’une écriture que j’ai eu quelque peine à apprivoiser, tout comme j’ai peu aimé le côté messianique.
Cependant, j’ai trouvé du plaisir à déambuler avec lui autour de Saint Pierre de Colombier, de Chomérac, de Privas avec l’hôpital psychiatrique Sainte-Marie-de-l’Assomption (photo ci-dessus), dans cette Ardèche et ses confins qui me sont chers comme j’ai apprécié l’attention portée par le narrateur aux murets ou aux rues pavées, mettant en avant le travail fourni par ceux qui les ont construits ou posés faisant allusion « à leur misère et leur grandeur ». Ce sont aussi les Saintes Maries de La mer et le camp de Saliers, ce camp d’internement réservé aux nomades, créé par le régime de Vichy qui sont évoqués et la fantastique traversée vers l’Amérique, sur l’USS City of Athens II.
Véritable hommage à la nature, le roman m’a subjuguée par la beauté des paysages rencontrés que Richard Morgiève sait mettre en valeur de façon sublime et avec beaucoup de poésie, nous en faisant ressentir visuellement et sensoriellement toute la richesse et les subtilités. Une nature que Jacques apprécie et qui l’aidera souvent.
Ce personnage de Jacques, si je n’ai pas toujours compris l’univers particulier dans lequel il évolue, m’a beaucoup touchée par son besoin éperdu d’amour, « J’aurais tant voulu qu’on m’enlace et m’aime », son désir de faire confiance, perturbé néanmoins quelque peu par certaines rencontres mais parfois sublimé par d’autres, anciennes et fort émouvantes, comme celle du vieux Samuel qui lui avait transmis tous ses dons.
Photo ci-dessus : le camp de Saliers.
Roman d’amour entre deux hommes qui se connaîtront peu de temps, roman historique, La mission s’apparente également à un roman initiatique dans lequel Jacques cherche d’abord un nom, une identité, découvre la liberté et tente de comprendre le monde jusqu’à ce qu’il trouve enfin un sens à sa vie.
J’ai été ravie de recevoir cet ouvrage qui m’a permis de faire connaissance avec cet auteur au talent avéré et remercie Babelio et les éditions Joëlle Losfeld.
Ghislaine