V. Correspondances de Manosque 2024
-
IV. Correspondances de Manosque 2024
26ème édition
Dimanche 29 septembre.
Déjà dimanche et c’est le dernier jour de cette édition 2024 !
/image%2F3417118%2F20241101%2Fob_3c03b0_20240927-135407.jpg)
Notre programme est forcément allégé mais nous savons que, demain, en bonus fort appréciable, nous rencontrerons notre ami Daniel Berthet (photo ci-dessous), sur la route du retour, afin de découvrir son nouveau roman : La magie du papillon.
Il est l’heure de remercier toute l’équipe des Correspondances de Manosque et, en particulier, tous les bénévoles qui font le maximum pour que ce Festival littéraire se passe bien et que les amateurs de lecture soient accueillis pour le mieux.
/image%2F3417118%2F20241101%2Fob_0de84e_img-20240929-095122.jpg)
Au passage, nous soulignons encore la qualité et la diversité des écritoires disséminés dans toute la ville, commerces compris, avec les belles citations signées René Frégni.
/image%2F3417118%2F20241101%2Fob_f3f9d1_img-20240928-194037.jpg)
Bien sûr, c’est l’écritoire « Pierre à Pierre » installé devant le Théâtre Jean-le-Bleu qui étonne toujours plus. « La Table d’orientation » avait été positionnée l’an dernier et, cette année, c’est « l’Écritoire 2 tonnes » qui a pris place : une boule de granit sur laquelle on peut s’asseoir pour écrire.
/image%2F3417118%2F20241101%2Fob_93b3c3_freecompress-img-20240928-194057.jpg)
L’an prochain, « l’Écritoire 10 tonnes » viendra clore cet étonnant triptyque, œuvre de Lise Couzinier et Olivier Lubeck qui imposent « la pierre comme un matériau idéal pour inscrire dans le temps une correspondance avec les générations futures. »
La référence au poème « Pierre à pierre », de Robert Desnos, dans « Destinée arbitraire » est magnifique et très réussie. De belles grandes cartes postales permettent de souligner cette imposante réalisation.
Carole Martinez : Dors de ton sommeil de brute (Gallimard)
/image%2F3417118%2F20241101%2Fob_0e85c8_20240929-111333.jpg)
Voilà une autrice réputée et confirmée dont nous n’avons lu que Du domaine des murmures (Prix Goncourt des Lycéens 2011) et dont nous sommes heureux de faire enfin la connaissance, ce dimanche matin ; c’est Maya Michalon qui nous la présente.
/image%2F3417118%2F20241101%2Fob_bdfdf2_20240929-110419.jpg)
Visiblement, nous ne sommes pas les seuls à apprécier cette rencontre car la foule est là et Carole Martinez comble son public avec une spontanéité et une vivacité étonnantes. Elle est même parfois théâtrale.
Avec Dors de ton sommeil de brute, elle se situe dans un futur proche. Eva a quitté Paris avec Lucie, sa fille ; elles se sont installées en Camargue, dans une zone blanche que l’autrice avait découverte lors d’une résidence, à Arles. Si le lieu est sauvage, il dépend quand même de l’homme pour les digues qui le protègent.
Ainsi, Eva tente d’échapper à la violence de Pierre, son mari. Là-bas, un voisin un peu étrange, Serge, intrigue. Il est coupé du monde mais il est branché constamment à l’actualité avec sa radio.
De son écriture charnelle, passionnante, Carole Martinez réussit un livre romanesque dont le titre est emprunté à Baudelaire (Le goût du néant, dans Les Fleurs du mal) :
« Résigne-toi mon cœur, dors de ton sommeil de brute. »
/image%2F3417118%2F20241101%2Fob_a99df9_20240929-121901.jpg)
Toujours aussi chaleureuse, Carole Martinez met en avant des images de contes qui deviennent réelles, se demandant pourquoi les humains qu’elle adore sont capables de tant de cruauté. Elle insiste car l’humanité montre tous les jours son goût du néant alors qu’elle peut créer tant de beauté.
Justine Augier : Personne morale (Actes Sud)
Marwan Chahine : Beyrouth (Belfond)
/image%2F3417118%2F20241101%2Fob_e353ef_20240929-143218.jpg)
Ce dimanche après-midi, nous voici place Marcel Pagnol pour découvrir deux récits, deux enquêtes qui vont se révéler passionnantes, avec Pierre Benetti comme modérateur.
/image%2F3417118%2F20241101%2Fob_75c688_20240929-143930.jpg)
Justine Augier (photo ci-contre), dans Personne morale, s’attaque à l’affaire Lafarge, le cimentier français bien connu, accusé d’avoir maintenu son entreprise en Syrie sous la domination de l’État islamique. Dans son livre, elle lutte contre un grand scandale prouvant que Lafarge n’accorde aucune valeur aux vies syriennes et invisibilise ces personnes qui travaillent dur dans une usine au milieu de nulle part.
Pour Justine Augier, ce qui se passe en Syrie nous concerne. C’est un combat en cours face aux plus grands cabinets d’avocats de France.
/image%2F3417118%2F20241101%2Fob_251967_20240929-145424.jpg)
L’autrice s’attache à la lutte des femmes qui se raccrochent à l’arbre du droit. C’est pourquoi Personne morale est d’abord une affaire de femmes luttant au sein de deux associations. Ce livre n’est pas un texte à charge mais prend tout de même parti pour essayer de comprendre comment un désir de justice peut animer des gens luttant pour qu’un procès permette d’y voir clair et arrive tôt ou tard.
/image%2F3417118%2F20241101%2Fob_94ce7d_20240929-143324.jpg)
De son côté, Marwan Chahine (photo ci-contre), dans Beyrouth, nous ramène dans la capitale du Liban, le 13 avril 1975, quand un autobus est attaqué, ce qui déclenche une guerre dans le pays de son père. Pour lui, il est important de s’intéresser au passé si on veut voir plus clair dans ce qui se passe aujourd’hui.
Marwan Chahine souligne la valeur des vies exposées à la violence, ces vies fauchées dans un pays qui n’a pas de mémoire commune. Il ne veut pas nier les récits différents afin de lier l’histoire de ce pays avec son histoire personnelle.
Comme Justine Augier, Marwan Chahine refuse la fiction pour donner une mémoire à un événement. Il a donc retrouvé celui qui a ouvert le feu sur l’autobus, mettant aussitôt à distance les faits pour sortir des récits guerriers et déconstruire l’imaginaire, ne se privant pas d’humour et d’autodérision.
/image%2F3417118%2F20241101%2Fob_55731a_20240929-145005.jpg)
Dans la version officielle, vingt-sept personnes ont été tuées dans le bus mais la réalité est moins héroïque que ce que l’on croit. Marwan Chahine nous apprend aussi que son père a quitté le Liban dès 1976 et qu’écrire Beyrouth lui a permis de s’approprier sa propre histoire après une très longue enquête.
Étienne Kern : La vie meilleure (Gallimard)
Amanda Devi ayant déclaré forfait, nous voici donc à nouveau place de l’Hôtel de Ville où nous retrouvons Pierre Benetti pour présenter Étienne Kern (photo ci-dessous) et son dernier roman : La vie meilleure. Nous n’allons pas regretter ce changement, bien au contraire !
L’auteur de « Les Envolés », avoue d’emblée s’intéresser aux perdants mais, avec La vie meilleure, il sort de l’ombre un homme dont tout le monde connaît le nom : Coué. Son prénom est moins célèbre puisque ce personnage se prénommait Émile.
Si son nom fait rire, est sujet à plaisanteries, la méthode a connu la célébrité. Aussi, Étienne Kern a décidé de prendre l’existence d’Émile Coué au sérieux. Il nous apprend qu’il était pharmacien et qu’il est décédé en 1926. Cet homme voulait rendre les gens plus heureux, plus joyeux et il a fait le tour du monde pour diffuser sa méthode. Cette autosuggestion répétée a déclenché une véritable couémania jusqu’aux USA, en 1923 et 1924.
/image%2F3417118%2F20241101%2Fob_696bf9_la-vie-meilleure-etienne-kern.jpg)
Pour Étienne Kern, les perdants fournissent un matériau romanesque idéal. Si Émile Coué passa finalement pour un charlatan, il n’a pas profité de son succès pour s’enrichir ni exercé illégalement la médecine. Quand tout s’est écroulé, en 1926, son épouse, Lucie Coué, a tout gardé, pour la postérité.
« Tous les jours, à tout point de vue, je vais de mieux en mieux. »
La méthode Coué est basée sur la croyance et il est certain que cela a aidé des gens en difficulté, apportant une joie certes illusoire mais tout de même bénéfique.
Étienne Kern a bien fait de sortir de l’oubli ce pharmacien de Nancy où un buste souriant rappelle son existence. L’auteur précise même que certains stages de sophrologie s’inspirent encore de la méthode de monsieur Coué.
/image%2F3417118%2F20241101%2Fob_0dfa7d_img-20240928-094624.jpg)
Pour nous, les Correspondances de Manosque se terminent avec la méthode Coué, ce qui n’est pas si mal et voilà que nous nous efforçons déjà de nous répéter que nous espérons très fortement revenir à Manosque pour notre dixième participation.
Ce sera la vingt-septième édition et nous pourrons vivre encore de passionnantes rencontres avec des écrivaines et des écrivains, sur les places publiques de la vieille ville où a grandi Jean Giono.
Ghislaine et Jean-Paul