Marie Pavlenko : Traverser les montagnes et venir naître ici

Traverser les montagnes et venir naître ici   par  Marie Pavlenko.

Les Escales (2024) 341 pages.

 

 

 

Ayant tout perdu, brisée par la vie, plus rien ne la retenant, Astrid, 37 ans, choisit de partir s’installer dans la région sauvage et montagneuse du Mercantour où son mari aimait tant arpenter les sommets. Elle vient d’y acheter une maison isolée sans même l’avoir visitée. Dans ses bagages, un carton marqué d’une croix rouge contient ce qu’il lui reste de sa vie passée.

 

 

 

Parallèlement, Soraya, 17 ans, après avoir fui avec sa famille sa Syrie natale en guerre, avoir parcouru plusieurs pays, s’est retrouvée seule avec sa tante. Se cachant de la police, traversant la montagne pour rejoindre la frontière française, elles marchent, marchent dans la neige, amaigries et affaiblies, ayant vécu l’enfer sur le chemin de l’exil.

 

 

Soraya, victime d’un viol et sur le point d’accoucher voit sa tante épuisée s’affaisser et mourir, son corps aussitôt recouvert par la neige. Gelée, exténuée, Soraya tente de poursuivre son chemin à l’aveugle et seule la rencontre fortuite avec Astrid la sauve d’une mort certaine. Celle-ci la ramène non sans difficulté chez elle où elle accouche de « la chose », d’une petite fille, qu’elle ne veut pas voir, qu’elle rejette.

 

 

Je connaissais Marie Pavlenko (photo ci-dessous) en tant qu’autrice incontournable de la littérature jeunesse, ayant fort apprécié sa plume dans Et le désert disparaîtra et Un si petit oiseau. Je viens de la découvrir en littérature générale dans Traverser les montagnes et venir naître ici,  bouleversée par ce roman engagé et terriblement poignant.

 

 

C’est le récit croisé de deux femmes en fuite, deux femmes tourmentées par des douleurs indicibles, deux âmes esseulées qui, bien qu’ayant traversé des épreuves différentes, vont se rapprocher, peu à peu se confier l’une à l’autre et s’apprivoiser.

 

 

Comme dans plusieurs autres romans de Marie Pavlenko, la nature est ici très présente puisque ce dernier se situe au cœur des montagnes et plus précisément dans ce massif du Mercantour, cette région frontalière avec l’Italie par laquelle sont arrivés et arrivent de nombreux exilés.

 

 

L’autrice met bien l’accent sur les pouvoirs de cette montagne qui peut tantôt se montrer menaçante et hostile et tantôt se révéler bienveillante et apaisante.

 

 

C’est avec une écriture douce et pudique, toute en finesse et délicatesse, d’une extrême sensibilité, un ton juste, sans aucune mièvrerie que Marie Pavlenko en racontant le destin tragique de ces deux femmes, traite de l’altérité et explore le lien de la sororité, comment le construire quand la vie vous a détruite, comment aller vers l’autre, faire confiance, retrouver l’envie de se lier, mais aussi l’amitié et l’amour.

 

 

Traverser les montagnes et venir naître ici est avant tout un roman de femmes, un récit plein d’humanité dans ce qu’elle a de meilleur comme de pire.

 

 

Je trouve qu’en donnant la voix à une femme pour évoquer les terribles souffrances endurées par les migrants, cette voix qu’on entend trop rarement, cela apporte encore davantage d’intérêt et d’intensité au roman.

 

 

Comme un ruban qui se déroule, la magie des mots, la poésie qu’elle soit de Claude Roy, d’Andrée Chedid (photo ci-dessous) ou encore de Marina Tsvétaïéna ou Mahmoud Darwich nourrit et apporte du baume au cœur de nos héroïnes et m’a personnellement charmée.

 

 

Traverser les montagnes et venir naître ici de Marie Pavlenko est un roman magnifique, captivant et émouvant, qui raconte le deuil, la solidarité et l’espoir, un roman qui ne peut laisser personne indifférent !

 

Ghislaine

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