Miguel Bonnefoy : Le rêve du jaguar
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Le rêve du jaguar par Miguel Bonnefoy.
Rivages (2024) 294 pages.
Grand Prix du Roman de l’Académie Française 2024.
Prix Femina 2024.
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Après avoir lu Sucre noir et Héritage, retrouver la plume enflammée de Miguel Bonnefoy est un véritable plaisir littéraire. En écrivant Le rêve du jaguar - allusion à cette légende des paysans de Macaraibo, au Venezuela, qui pensent que, dans chaque portée de chats, il y a un jaguar – il remonte au plus loin possible dans l’histoire de sa famille.
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En quatre grandes parties, d’Antonio à Cristóbal, en passant par Ana Maria et Venezuela, Miguel Bonnefoy réussit une formidable fresque familiale, politique et historique. Si l’action se déroule principalement au Venezuela, le pays de sa famille, Le rêve du jaguar fait un saut au Chili puis à Paris pour se terminer là où il avait commencé, à Macaraibo (photo ci-dessous), mot que, en l’écrivant, j’entends prononcé par l’auteur avec cet accent délicieux difficile à reproduire… par écrit.
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Le petit Antonio Borjas Romero, déposé tout bébé sur les marches d’une église, dans une rue qui, plus tard, portera son nom, débute sa vie terrestre dans des circonstances plutôt difficiles. Teresa, la muette, ne l’aime pas mais le nourrit et s’en occupe. Je suis aussitôt captivé par de savoureuses descriptions tout à tour délicieuses et emballantes.
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L’auteur fait vivre Antonio, son grand-père, qui apprend vite à se débrouiller et à affronter les aléas de la vie. Détail important, dans ses langes, il y avait une petite boîte servant à rouler les cigarettes (photo ci-dessus), petite boîte que mon père appelait sa « botteleuse ». Elle aura son importance au cours du récit.
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Quand le pétrole surgit, près de Macaraibo, après que la statue de Simón Bolivar, le Libertador, à cheval, ait fait escale dans le port de la ville, c’est toute la vie qui est transformée parce que le pays s’enrichit subitement. C’est là qu’Antonio est employé pour construire un mur afin de contenir cette rivière gluante qui remonte des entrailles de la Terre.
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Dans le bordel de Lucrecia Coralina, il est ensuite l’homme à tout faire alors qu’il n’a pas 13 ans. C’est là que Leona Coralina lui procure ses premiers émois…
Nous sommes dans les années 1930. Inclus dans la famille de Don Victor Emiro Montero qui veut qu’il soit médecin, Antonio est enfin obligé d’aller à l’école.
C’est là qu’il rencontre Ana Maria et qu’ils se disputent des places de cinéma à gagner. C’est là aussi qu’il relève le défi qu’elle lui a lancé : raconter la plus belle histoire d’amour. La performance est délicieusement contée.
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On le constate rapidement, après cette mise en bouche, le roman de Miguel Bonnefoy est truffé de rencontres et de rebondissements inattendus et surprenants. Je me suis alors laissé emporter par le style exubérant de l’auteur qui raconte une histoire folle permettant de sortir de l’ombre des personnages hors du commun mais aussi une histoire méconnue d’un pays important de l’Amérique latine.
Au passage, je ne peux pas passer sous silence l’accouchement d’Ana Maria. Miguel Bonnefoy me submerge d’un délire de mots et d’expressions allant jusqu’à développer l’Histoire de ce pays qui donne l’idée aux parents de nommer leur fille : Venezuela !
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Plus loin, l’auteur s’en donne à cœur joie en comptant mythes et légendes sur les pas d’un certain Pedro Clavel, un délire de sorcier, et cette tante Zina qui s’obstine à pousser ce Pedro à aller voir un chamane.
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Photo ci-dessus : Le fameux pont de Macaraibo (8 679 m) qui relie la ville au reste du Venezuela.
Si les deux générations suivantes s’installent avec Venezuela puis Cristóbal, l’auteur n’oublie pas Antonio et Ana Maria qui ont dû traverser une période très difficile de dictature, pour un retour aux sources dont Miguel Bonnefoy a le secret.
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Ainsi, Le rêve du jaguar m’a fait rencontrer toute une famille et beaucoup d’autres personnages apportant chacun une touche extraordinaire pendant qu’Antonio et Ana Maria s’engageaient au péril de leur vie pour défendre la démocratie face à la dictature de Pérez Jiménez.
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Enfin, comment ne pas souligner la force et le courage d’Ana Maria qui fut le premier médecin femme de l’État de Zulia, à Macaraibo. Elle n’hésita pas, mettant en jeu sa sécurité, à pratiquer des avortements. Quand ce fut impossible à l’hôpital, elle continua à œuvrer au service des femmes chez elle.
Antonio, Ana Maria, Venezuela, Cristóbal, ces quatre personnages m’ont beaucoup marqué grâce à l’écriture de Miguel Bonnefoy (photo ci-dessus) dont Le rêve du jaguar mérite bien les deux belles distinctions obtenues cet automne 2024 : Grand Prix de l’Académie Française et Prix Femina. BRAVO !
Jean-Paul