Adrien Borne : L'île du là-haut
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L’île du là-haut par Adrien Borne.
JC Lattès (2024) 276 pages.
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Après avoir découvert Adrien Borne dans La vie qui commence, autofiction sur les profondeurs obscures de la mémoire et les secrets enfouis, c’est avec plaisir que je le retrouve avec L’île du là-haut, son troisième roman.
Septembre 1948, quartier de la Croix-Rousse à Lyon, Marcel, quinze ans, a pu sortir, malgré tout... Il se souvient que la maladie a vraiment commencé ce jour-là, dans les yeux de son ami de toujours, Andrea, ces yeux qui lui disent derrière une fenêtre qu’il n’est plus question de descendre pour rigoler. Étant atteint de cette terrible « peste blanche », la tuberculose, ces yeux scelleront ainsi sa condition de pestiféré.
Lui qui a grandi sans père, doit aussi quitter sa mère pour rejoindre le sanatorium de S., pas très loin de Chamonix.
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Marcel qui croyait embarquer dans un hôpital se retrouve dans un palace. Il apprend que des vedettes y ont été accueillies, notamment Marie Curie. Il s’interroge sur le financement de son séjour, pensant qu’il ne peut provenir que de ce père inconnu et cela alimente sa recherche obsessionnelle du fantôme de sa vie.
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Seul adolescent dans cet établissement réservé aux adultes, il va peu à peu établir des liens avec Gabrielle, l’infirmière, avec l’excentrique Scala et ses fruits en cire mais aussi avec Valentine, l’artiste peintre, créatrice en train de décorer la crypte du bâtiment. Il est d’ailleurs subjugué par cette dernière et savoure en la voyant ce que ce sanatorium appelé alors paquebot lui offre enfin de merveilleux : « Une île. Est-ce l’île du là-haut ? »
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En nous emmenant avec Marcel au cœur de ce sanatorium, en nous faisant vivre son quotidien, un quotidien où malgré la maladie et la mort toujours sous-jacente, la vie palpite, Adrien Borne dresse une fresque somptueuse réussissant à faire revivre de manière fort convaincante et palpitante l’âge d’or des sanatoriums.
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Pour narrer cette histoire, l’auteur utilise trois temporalités, trois périodes qui s’entrelacent avec finesse : l’hiver 1948-49 et la destinée du jeune Marcel, avril, mai et juin 1970 avec au départ cette date fatidique du 16 avril où un glissement de terrain détruisit partiellement le sanatorium pour enfants du roc des Fiz (photo ci-dessous), proche du sanatorium de S., causant la mort de 71 personnes dont 56 enfants et juin 2018 où un homme âgé dont je tairai l’identité, fait parler sa mémoire.
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Ce roman fait revivre une époque et aide à ne pas oublier ce temps où, pour soigner cette maladie contagieuse qu’est la tuberculose, on considérait que l’air et l’altitude des montagnes avaient des propriétés thérapeutiques très intéressantes. L’utilisation des antibiotiques dès 1950 permettra de vaincre la maladie. L’ouvrage permet de lutter contre l’effacement des lieux et de toutes ces personnes qui se sont battues pour essayer de guérir et celles qui ont tout fait pour les aider.
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J’ai apprécié la manière délicate avec laquelle Adrien Borne aborde la mort, cette mort qui rôde et son va-et-vient dans le sana.
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J’ai trouvé sublime les créations de Scala, ces masques de cire qu’il confectionne pour que ne tombent pas dans l’oubli ceux qui n’ont plus personne.
Émouvantes et magnifiques aussi ces lettres que Marcel envoie à son ami Andrea pour lui confier tous ses émois.
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J’ai par contre été tétanisée par la froideur et la causticité utilisées par l’émissaire du ministère de la Santé qui annonce crûment aux médecins après la catastrophe de 1970, qu’ils sont hors temps, que, tout simplement, le plateau d’Assy (photo ci-dessous), c’est fini.
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Adrien Borne, petit-fils de l’écrivain Paul-Jacques Bonzon, auteur des « Six Compagnons » qui ont bercé mon enfance, a une écriture ciselée, syncopée, très personnelle, un peu particulière qui m’a parfois essoufflée malgré le grand intérêt du sujet.
Ghislaine
