Jean-Claude Mourlevat : L'enfant Océan
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L’enfant Océan par Jean-Claude Mourlevat.
Pocket Jeunesse (1999 – 2002 – 2010 - 2019) 151 pages ; Nathan (2023) 400 pages.
Prix Sorcières – Romans 9 – 12 ans - 2000.
C’est dans le cadre du Printemps du livre de Grenoble que j’ai découvert non seulement le talent d’écrivain, mais aussi celui de brillant conteur de Jean-Claude Mourlevat (photo ci-contre). Je le dois à ma petite-fille, Jeanne, pour qui celui-ci est son auteur fétiche et qui n’a pas hésité à nous proposer d’aller le découvrir lors d’une lecture musicale. J’en suis ressortie éblouie et ai décidé de lire L’enfant Océan, son septième roman, paru en 1999.
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Ce roman jeunesse fait explicitement référence au conte du Petit Poucet de Charles Perrault, chacune des deux parties est d’ailleurs introduite par une citation du conte.
Il s’agit d’une réécriture totalement actualisée.
Comme dans le conte, nous retrouvons une famille rustre et pauvre comprenant sept enfants dont le plus jeune Yann, 10 ans, né, gros comme un poing est resté tout chétif et de plus muet. Les parents l’ont pris en grippe peut-être parce qu’il n’est pas pareil et qu’ils ont peur de son regard, pense l’un de ses frères.
Toujours est-il qu’une nuit, Yann entendant ses parents se disputer, se lève va écouter et revient paniqué expliquer à son frère qu’il faut fuir immédiatement, leur père menaçant de les tuer.
Ce qui est incroyable, c’est que Yann est très malin et très intelligent et qu’il sait parfaitement se faire comprendre de ses frères. S’il ne parle pas, ses mimiques valent tous les commentaires.
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Aussitôt, donc, sans bruit, une fois les parents couchés et endormis, notre fratrie composé des six aînés, trois paires de jumeaux plus Yann s’enfuient de la ferme et marchent vers l’Ouest, attirés irrésistiblement par l’océan. Cette expédition du Périgord à l’Océan Atlantique va les amener à affronter le froid, la faim, la fatigue, tout en se cachant… les multiples dangers de la route les guettent.
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Jean-Claude Mourlevat raconte cette fugue à la manière d’une enquête au cours de laquelle interviennent de nombreux personnages qui, chacun, semble faire une déposition.
Cette narration à plusieurs voix est constituée de récits successifs.
En premier lieu, il y a l’assistance sociale qui est intervenue avant leur fuite et a raccompagné le gosse à la maison, car il était arrivé au collège sans cartable et n’avait pas l’air bien. Elle pense être une des dernières personnes à l’avoir vu vivant.
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Ensuite, s’insère le récit des frères, celui des personnes croisées au cours de leur périple comme cette boulangère qui les prend en pitié et leur offre du pain ou cet épicier ambulant qui les prend en stop ou celui des personnes qui les ont aperçues comme cet écrivain ou cette retraitée.
L’auteur a su adapter son écriture au caractère des personnages de manière brillante, le parler de la mère est particulièrement bien transcrit !
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Les paragraphes sont courts, vivants, rythmés. J’ai été époustouflée par le courage et la débrouillardise dont font preuve les jeunes protagonistes pour survivre, notamment lorsqu’il va s’agir pour les sept de prendre le train sans argent pour acheter les billets.
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Outre la misère, la maltraitance, la violence et même le racisme, L’enfant Océan raconte le parcours initiatique de ce « Petit Poucet », comment il va échapper à son destin. Il est aussi l’histoire d’une quête qui va permettre à ces enfants de découvrir l’amour, l’amour fraternel mais aussi l’amour des parents.
Impossible de ne pas être emportée par cette improbable et incroyable équipée.
Avec L’enfant Océan, récit poignant, bouleversant, mais plein d’humour, Jean-Claude Mourlevat a revisité le conte du Petit Poucet comme lui seul pouvait le faire, d’une manière contemporaine à vous couper le souffle !
Jeune ou moins jeune, chacun peut s’approprier ce nouveau conte.
Ghislaine