Nicolas Badout : L'Enfer BD
-
L’Enfer par Nicolas Badout.
Adapté du film inachevé d’Henri-Georges Clouzot.
Adaptation dialogues : Henri-Georges Clouzot et José-André Lacour.
Sarbacane (2025) 171 pages.
/image%2F3417118%2F20250501%2Fob_8f9a42_l-enfer.jpg)
Magnifique album que L’Enfer, adaptation en BD par Nicolas Badout, jeune bédéiste lyonnais, du film éponyme d’Henri-Georges Clouzot avec Romy Schneider et Serge Reggiani, partiellement tourné en 1964.
C’est la renaissance absolument magistrale de ce projet inachevé. En effet, à l’été 1964, ce thriller, produit par la Columbia, et bénéficiant pourtant d’un budget déclaré illimité, ce film qui devait être un véritable laboratoire de cinéma, ce projet est miné pour plusieurs raisons et son tournage définitivement interrompu quand son réalisateur est victime d’un infarctus.
/image%2F3417118%2F20250501%2Fob_d89e9b_l-enfer-1.jpg)
C’est donc soixante ans après, que Nicolas Boudot (photo ci-dessous) l’adapte en BD, après de nombreuses recherches, soucieux de respecter la volonté et le projet initial de Clouzot. En redonnant vie à ses acteurs et actrices initiaux, ses décors, ses dialogues, sa bande sonore et son montage, ce roman graphique est le film qui n’aura jamais été tourné.
/image%2F3417118%2F20250501%2Fob_796248_nkl-photo-devant-oeuvre-1100x1467.jpg)
1962, Marcel et Odette sont d’heureux jeunes mariés. Le couple prend la gérance d’un hôtel situé au pied du viaduc de Garabit, face au lac du barrage de Grandval dans le Cantal.
Dans ce cadre naturel splendide, les années passent, l’hôtel a ses habitués et la vie s’écoule pour ce couple maintenant parent d’un jeune enfant.
Mais voilà que Marcel commence à perdre le sommeil et dort de moins à moins, jusqu’au moment où il est en proie à des hallucinations. De mauvaises pensées viennent troubler sa quiétude et la jalousie s’installe dans son esprit.
Au départ ce n’est qu’un doute, mais bien vite, il se transforme en paranoïa aiguë avant qu’il ne fasse place à son tour à la folie, le réel et l’imaginaire se confondant.
/image%2F3417118%2F20250501%2Fob_318882_l-enfer-4.jpg)
Lui qui travaille toute la journée ne supporte plus que les habitués de l’hôtel côtoient sa jeune et charmante épouse qui, elle, apprécie les attentions que ces hommes lui portent. La jalousie de Marcel prend des proportions démesurées. Il ne cesse de la harceler et de la questionner pour qu’elle avoue l’avoir trompé, l’espionne, l’attache à un lit, l’enferme…
/image%2F3417118%2F20250501%2Fob_466fb8_l-enfer-2.jpg)
Si les deux personnages vivent véritablement une descente aux enfers, il en est de même pour le lecteur, qui assiste impuissant à cette folie galopante et la vit tout aussi intensément. En lisant la BD d’un trait, on se retrouve enfermé dans la folie de bout en bout.
J’ai été profondément bouleversée en découvrant cette histoire de jalousie maladive, de spirale obsessionnelle, qui tourne au délire et transforme un homme en véritable tortionnaire vis-à-vis de sa femme, femme qu’il considère comme sa propriété.
/image%2F3417118%2F20250501%2Fob_3decfa_l-enferpage.jpg)
Le trait noir, épais, net et précis de Nicolas Badout rend parfaitement cette atmosphère étouffante et oppressante. Il joue avec les déformations, notamment pour le visage de Reggiani, lorsque celui-ci est en proie à ses crises de paranoïa, fait preuve de grande originalité avec ces yeux en nombre pour exposer les hallucinations auxquelles il est confronté. Il passe également d’un noir profond à des couleurs psychédéliques pour transposer ces obsessions, tout cela pour un rendu absolument génial de cette plongée vers l’enfer.
Je remercie vivement les éditions Sarbacane et Babelio pour m’avoir permis cette belle découverte.
Ghislaine