Jean-Philippe Blondel : Un été 79

Un été 79   par  Jean-Philippe Blondel.

L’iconoclaste (2025) 261 pages.

Comme son titre le laisse penser, Un été 79, dernier roman de Jean-Philippe Blondel, se situe au cours du dernier été des années 1970. Sera-ce le dernier pour la famille Royer ?

En tout cas, ce sera l’été du changement pour ce couple approchant la cinquantaine, sur le point de divorcer dont les deux fils incarnent deux trajectoires opposées et se détestent cordialement.

Cette année, pas question d’aller s’enfermer un mois chez les parents de madame dans le Sud-Ouest. Michel, le père, cadre à la SNCF, dont la promotion récente n’a pas encore été annoncée à son épouse Andrée, institutrice et directrice d’école, propose qu’ils passent deux semaines avec le cadet Philippe, Pascal ne les accompagnant pas,  dans un Village Vacances Famille dans le Vercors, à Saint- Nizier-du-Moucherotte.

Histoire d’évacuer la tension et de remettre les choses à plat.

Mais rien ne va se dérouler comme prévu.

Jean-Philippe Blondel s’y entend à merveille pour plonger au cœur de l’intimité d’une famille au bord de l’implosion tout en nous faisant revivre cette décennie 70/80, où la société était en pleine mutation.

Le soleil, les parties de pétanque, les marches en montagne, la piscine, l’arrivée surprise de l’aîné Pascal en cours de séjour et cette soirée au sous-sol de l’établissement transformé en discothèque où jeunes et moins jeunes vont s’éclater sur le tube disco de l’été Boogie Wonderland, tout cela va avoir des répercussions sur chacun.

Dans ce roman très intimiste, mélancolique, où pointe un peu de nostalgie, Jean-Philippe Blondel observe avec acuité ce qui se trame dans l’esprit de chaque membre de la famille. Il évoque les illusions perdues, de la mère notamment, son désir de remettre en question le train-train quotidien et son aspiration à plus de liberté, son aspiration à l’ouverture d’un compte-joint, son rêve d’indépendance, une évolution qui s’inscrit dans cette période où l’émancipation des femmes est en plein essor.

Il décrit également les aspirations professionnelles du père et sa difficulté dans ses relations avec son fils Philippe qu’il juge trop terne.

Quant à Philippe justement, lui, l’adolescent, il est en quête de repères et a du mal à s’affirmer face à ce grand frère parfait qui réussit tout.

L’auteur excelle à explorer ces vies ordinaires. Il le fait avec beaucoup de justesse, de sensibilité et de tendresse.

Si je me suis associée aux états d’âme de cette mère en quête d’émancipation, j’ai surtout pris grand plaisir à suivre le cheminement et l’évolution de ce jeune Philippe, mal dans sa peau, d’abord écrasé par le rayonnement de son frère et pour qui l’écriture est la planche de salut, un personnage très attachant.

Je ne voudrais pas terminer sans parler de ce décor prestigieux qu’est le Vercors où se déroulent les vacances familiales, cette montagne, havre de paix qui permettra à Andrée et à Philippe de connaître de superbes moments de recouvrement de paix intérieure.

Difficile pour l’auteur en situant son roman à Saint-Nizier-du-Moucherotte, de ne pas évoquer le tremplin de saut à ski (photos ci-dessous), site emblématique des J.O de Grenoble, à l’abandon depuis des décennies…

Un roman à la fois intimiste et universel qui m’a fait revivre avec saveur et un brin de nostalgie évidemment, cette époque précédant l’élection de Mitterrand, cette époque des cabines téléphoniques, des cassettes, des lettres manuscrites…

Ghislaine