MENU

Jacques Ferrandez : Suites algériennes (1962 - 2019) Seconde partie

Suites algériennes (1962 – 2019) (Seconde partie)

BD  par  Jacques Ferrandez.

Casterman (2021) 160 pages.

Préface Kamel Daoud.

 

 

 

Dans cette seconde partie de Suites algériennes, Jacques Ferrandez a tenu à terminer sur une note d’espoir en faisant dialoguer Paul-Yanis et celui qu’il nomme « L’écrivain ».

 

Hélas, depuis, Boualem Sansal est incarcéré là-bas, et Kamel Daoud n’est plus en sécurité s’il retourne en Algérie ; leurs livres sont bannis des librairies et des bibliothèques.

 

Dans ces deux beaux albums qui couvrent l’histoire de l’Algérie, de 1962 à 2019, l’auteur de nombreuses BD dont Le Chant du Monde, fait vivre des personnages, la plupart imaginaires mais d’un réalisme impressionnant, pris dans la tourmente d’une indépendance marquée par une violence toujours prête à ressurgir.

 

 

Jacques Ferrandez (photo ci-dessous) fait surtout ressortir un fait jamais bien mis en évidence : l’opposition entre l’armée des frontières et les maquis de l’intérieur.

 

 

Certains personnages affirment même que cette armée des frontières, dirigée par Boumediene, n’a pas tiré un coup de feu. Pourtant, elle a défilé dans Alger lorsque l’indépendance a été proclamée et s’est surtout acharnée à éliminer les dirigeants des maquis du FLN qui pouvaient lui faire de l’ombre.

 

Enfin, et surtout, il y a le sort des Harkis, ces Algériens qui ont cru au rôle important de la France dans leur pays et se sont engagés à son service. Les sévices qu’ils ont subis sont inimaginables et leur élimination systématique. Ceux qui ont réussi à fuir pour se réfugier dans l’hexagone ont été parqués dans des camps, ce qui ne peut pas nous rendre plus fiers.

 

Fidèle à son choix du premier volume, Jacques Ferrandez s’attache à plusieurs personnages mais c’est toujours Paul-Yanis son fil conducteur. Ainsi, je rencontre Saïd, Bouzid, Serge, Mathilde, L’écrivain, Nour, Momo, Hakim, Octave, Salihafa, Samia et Paul-Yanis, bien sûr !

 

Tout le déroulé de l’histoire est daté, les lieux sont identifiés comme ce massif de l’Ouarsenis , le 4 avril 1962. Quand Mathilde intervient, elle rappelle les deux visites du Che à Alger, les premières années d’indépendance et ce rêve d’autogestion vite effacé par « l’industrie industrialisante » prônée par Boumediene dès 1965 avec le soutien du Bloc de l’Est.

 

 

 

Ainsi, les dialogues, bien mis en scène par l’auteur, toujours bien dessinés avec des visages très expressifs et des vues réussies, que ce soit pour les paysages ou pour le milieu urbain, sont toujours instructifs et réalistes.

 

 

Quand Nour revient, qu’elle est belle ! De plus, elle fait sourire en appelant son amant « Polianisse »… Hélas, les discours de haine s’imposent rapidement ; l’histoire de ce pays devient de plus en plus angoissante et le sort de certains personnages tourne au thriller.

 

 

Dans le chapitre consacré à Octave, Jacques Ferrandez offre deux pages terribles avec du noir, des explosions, une tension extrême et de l’action. L’émotion est grande, au final, après tant de souffrances et d’inquiétude.

 

Enfin, c’est Fellag, le 7 décembre 2018, lors du Forum Jacques Prévert, à Carros, dans les Alpes-Maritimes, qui tire des conclusions qui font sourire et pleurer en comparant la France et l’Algérie :

 « Finalement, la France, c’est une Algérie française qui a réussi ! Vous avez raté votre colonisation, nous avons raté notre indépendance. Nous sommes quittes ! »

 

Les Suites algériennes (1962 – 2019) apportent ainsi, en bande dessinée, un rappel très utile d’une histoire complexe et terrible mais cette histoire se poursuit.

 

Comme je l’ai dit au début, le sort subi par Boualem Sansal (Rue Darwin, Gouverner au nom d’Allah et 2084 la fin du monde)  et celui promis à Kamel Daoud (Meursault, contre-enquête et Houris) ne rendent pas optimistes, d’où l’utilité de se replonger dans ces années qui ont suivi l’indépendance, comme l’a si bien fait Jacques Ferrandez.

Jean-Paul

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Thème Magazine -  Hébergé par Overblog