Jean-Luc Seigle : Je vous écris dans le noir

Je vous écris dans le noir   par Jean-Luc Seigle.

Flammarion (2015). 233 pages ; J'ai Lu (2016) 288 pages.

 

L’histoire tragique de Pauline Dubuisson inspire les écrivains. Depuis La Ravageuse de Jean-Marie Fitère en 1991 et L’affaire Pauline Dubuisson de Serge Jacquemard en 1993, il a fallu attendre L’affaire Pauline Dubuisson, BD de Moca et Forton en 2012 et enfin La Petite femelle de Philippe Jaenada (2015). Aucun, sauf erreur, n’avait réussi à se mettre à la place de Pauline Dubuisson comme l’a fait Jean-Luc Seigle (photo ci-dessous).

 

 

Le titre, Je vous écris dans le noir, ne laisse aucun doute : c’est elle qui s’exprime, tâche ô combien difficile menée à bien par l’auteur qui réussit parfaitement à nous faire partager la vie trop courte de cette étudiante en médecine de 21 ans qui tue son ex-fiancé, Félix Bailly, en 1950. Le lendemain, son père se suicide. Trois ans plus tard, les assises la condamnent à perpétuité alors qu’à 16 et demi, elle avait été tondue et violentée lors de la Libération.

 

 

« La guerre est un élément déterminant de la vie de Pauline, fondateur et destructeur dans le même temps, »précise l’auteur en Avant-propos. Puis il laisse parler Pauline Dubuisson tout au long de trois cahiers. Elle rappelle d’abord comme elle admirait son père. Après neuf longues années passées en prison, elle vit avec sa mère, s’est réinscrite en fac de médecine et se fait appeler Andrée…

 

 

Elle a 33 ans quand sort le film de Clouzot : La Vérité. Bien que tous les noms soient changés, elle reconnaît son histoire. C’est Brigitte Bardot qui joue son rôle mais « Au bout du compte, neuf années de prison m’avaient moins fait souffrir qu’une heure et demie dans l’obscurité d’une salle de cinéma. »

 

 

Elle quitte alors la France pour Essaouira, au Maroc. Elle parle de la maison qu’elle habite : « … l’inverse exact des prisons où il n’y a que rupture entre les murs et les corps. » Là-bas, elle tombe amoureuse de Jean, un ingénieur, qui lui fait espérer une nouvelle vie, une renaissance. Cet homme ne sait pas qui elle est. Elle veut l’épouser. Elle doit lui dire la vérité.

 

 

Pour cela, le deuxième cahier est consacré au récit de ce qu’elle a vécu, récit destiné à Jean. Elle parle du procès, de son enfance, de son père, de sa mère revigorée par la religion et revient toujours au cauchemar de la prison : « … la peur ramène toujours au même endroit, toujours à mon crime et à la prison. » et c’est là qu’elle dit : « Je vous écris dans le noir. » car « l’univers pénitentiaire était un danger permanent. » Elle est adolescente, accumule les expériences sexuelles et son père qui a refusé qu’elle parte faire médecine à Lille, la confie au Dr Domnick, officier de la Wermacht, médecin-chef de l’hôpital de Dunkerque. Si elle lui cède, elle rapporte de la nourriture à la maison mais la Libération sera son pire cauchemar car elle est tondue, humiliée, violentée par des résistants de la dernière heure. Enfin, elle détaille ce qui s’est passé avec Félix qu’elle a retrouvé à Paris et qui, après avoir fait l’amour avec elle, la traite de « pute ». Si elle tire : « C’étaient les mots que je voulais tuer, les mots qui salissent et qui blessent. »

 

 

Enfin, le troisième cahier boucle l’histoire de Pauline : « Jean m’a proposé, sans le savoir, de me ramener à la surface de cet océan où je me noyais sans m’en rendre compte. » mais son passé ressurgit et elle lâche : « Je sus à ce moment-là que je resterais à jamais tatouée de la croix gammée que l’on avait peinte sur mon crâne rasé et sur ma peau. » À 34 ans, le 22 septembre 1963, elle se suicide.

Jean-Paul

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