Aurélien Cressely : Par-delà l'oubli

Par-delà l’oubli   par  Aurélien Cressely.

Gallimard (2023) 159 pages.

 

 

 

Par-delà l’oubli, voilà bien le titre idéal pour ce premier roman signé Aurélien Cressely ! En effet, ce livre sort de l’oubli le jeune frère de Léon Blum : René. Ce dernier a délaissé la politique pour se consacrer entièrement à la culture, à l’art, en travaillant pour le théâtre, la danse, la musique et la littérature.

 

 

 

Pour faire partager la vie de René Blum, né à Paris en 1878, Aurélien Cressely s’est bien gardé d’offrir un parcours linéaire.

 

 

Par touches successives, partant de 1941, revenant à 1899 puis 1926, 1942, 1937, jonglant habilement  avec périodes heureuses ou dramatiques, il m’a permis de découvrir un homme qui, par exemple, a permis à Marcel Proust de publier chez Grasset, Du côté de chez Swann, roman refusé par les autres éditeurs.

 

 

D’emblée, Aurélien Cressely raconte l’arrestation de René Blum, le 12 décembre 1941. Ce sont trois fonctionnaires de la Préfecture de police qui viennent le chercher, l’arrêter parce que Juif. Comme son frère, Léon, il a refusé de fuir, de quitter son pays. Emmené en bus à l’École militaire, il y retrouve Jean-Jacques Bernard, un dramaturge avec qui il partage la même religion mais surtout la même passion pour le théâtre.

 

 

Judicieusement, alors que ces hommes sont rassemblés dans le manège à chevaux, l’auteur rappelle qu’au même moment, au palais Berlitz, se tient une exposition nommée « Le Juif et la France » (photo ci-dessous) et qu’elle cible principalement Léon Blum (photo ci-dessus) qui fut, entre autres, Président du Conseil, c’est-à-dire chef du gouvernement du Front Populaire, en 1936. Depuis 1940, il est interné en Auvergne.

 

 

Pour René Blum, c’est le début d’un parcours fait d’humiliations, de souffrances, de faim, de froid, parcours partagé avec des milliers d’autres. Aurélien Cressely emploie des mots très forts, une formulation juste et pleine de sensibilité. Même si son ouvrage est centré sur un homme, il permet aussi de ne pas oublier toutes ces vies sacrifiées par l’idéologie nazie, bien aidée par l’antisémitisme au plus haut dans notre pays.

 

 

La carrière de René Blum (photo ci-dessus) comme journaliste lui permet de côtoyer le monde du spectacle. Ses critiques font évoluer le genre. Évoluant dans ce milieu, il rencontre des gens célèbres comme Bernard Grasset, Théophile Gauthier, Tristan Bernard ou Marcel Proust, déjà cité.

 

Photo ci-dessus : Camp de Drancy, lieu de mémoire.

 

Ce monde de la culture est assez élitiste et j’avoue que la partie consacrée aux Ballets russes de Monte-Carlo m’a un peu ennuyé mais cela a fait partie de la vie de René Blum et je comprends qu’il ne fallait pas l’occulter.

 

Photos ci-dessus et ci-dessous : La rafle du Vél' d'Hiv'.

 

Il ne faut pas oublier aussi que René Blum a connu un camp de prisonniers pendant la Première guerre mondiale. Comme beaucoup d’autres, il a éprouvé l’angoisse du retour, redouté l’accueil qui lui serait réservé alors que la vie s’est organisée en son absence.

 

 

René Blum est aussi un père de celui qu’il appelle affectueusement Minouchou, Claude-René, dont Josette, la mère, est séparée de lui. Hélas, ce fils a rejoint l’Action française, un mouvement d’extrême-droite.

 

 

À Drancy, René Blum assiste à l’arrivée des enfants séparés brutalement de leurs parents, est effrayé par les conséquences de la rafle du Vél’ d’Hiv’. Lui qui fut le premier président du premier ciné-club de France, a été obligé de vendre les livres qu’il avait reliés lui-même, tellement la vie était devenue difficile en cette année 1941 si funeste.

 

 

René Blum méritait vraiment que sa vie, son apport important à la culture, soient rappelés, sa fin tragique aussi, à Auschwitz. Aurélien Cressely l’a réussi tout en me faisant ressentir une fois de plus toute l’horreur, l’injustice, le scandale de toutes ces vies brisées, de toutes ces souffrances insupportables  que seule l’espèce dite humaine sait infliger à ses semblables.

 

Jean-Paul

 

 

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A
Louable critique Jean-Paul. Passionnante votre "mise en scène". Comme vous je me suis passionnée pour ce livre et les rappels qu'il fait.
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J
Merci Agnès !
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